Une terre et des livres
Depuis sa création en 2016, En attendant Nadeau traite des réalités israéliennes et palestiniennes à travers la littérature, l’histoire, la sociologie… Autant de manières d’appréhender la complexité d’une histoire commune à tous les peuples d’une même terre et de donner par les livres, nos manières de les lire, des espaces pour penser le passé et le présent, leurs violences et leurs espoirs. C’est pourquoi nous vous proposons de redécouvrir, dans l’ordre chronologique de leur parution, des articles d’une grande variété au sein d’un dossier spécial que les nouveaux articles de nos collaborateurs continueront d’enrichir. Une telle chronologie des livres propose une autre manière de lire l’histoire en cours.
Il semble bien loin le temps où Yossi Sarid, alors ministre israélien de l’éducation, et père de l’écrivain Yishai Sarid, proposait que des poèmes de Mahmoud Darwish soient enseignés dans les écoles de son pays. Loin aussi le temps où Émile Habibi, écrivain palestinien de citoyenneté israélienne, l’auteur des Aventures extraordinaires de Sa’îd le Peptimiste, recevait à la fois le prix Israël et le prix Al-Qods pour son œuvre littéraire. L’espoir de ce qu’on souhaitait devoir être une paix juste et durable s’est enfui. Mais les romanciers, les poètes, les historiens ont continué à écrire, parfois même à dialoguer, d’un côté et de l’autre de cette barrière que les politiques se sont évertués à dresser. Les nombreux articles qu’EaN leur a consacrés témoigne de la vitalité et de la variété de cette production littéraire.
En mettant ces différents textes en regard, nous n’imaginons pas influer sur le cours de événements mais voulons donner à voir la richesse créative de cette région du monde où semble aujourd’hui ne régner que la pulsion de mort. Le général Matti Peled, ancien membre du Palmach, l’unité d’élite de la Haganah, l’armée juive secrète durant la période du mandat britannique, devenu professeur de littérature arabe à l’Université de Tel Aviv, et ardent militant de la paix entre Palestiniens et Israéliens, considérait qu’à travers la littérature peut émerger une relation pleinement humaine dans laquelle l’Autre fantasmé comme incarnation du mal, et réduit à l’état de chose, devient quelqu’un. C’est cette commune humanité avec ses peurs, ses besoins, ses désirs, que ces livres nous font rencontrer.
Pour EaN, Sonia Dayan-Herzbrun