Depuis sa création en 2016, En attendant Nadeau traite des réalités israéliennes et palestiniennes à travers la littérature, l’histoire, la sociologie… Autant de manières d’appréhender la complexité d’une histoire commune à tous les peuples d’une même terre et de donner par les livres, nos manières de les lire, des espaces pour penser le passé et le présent, leurs violences et leurs espoirs. C’est pourquoi nous vous proposons de redécouvrir, dans l’ordre chronologique de leur parution, des articles d’une grande variété au sein d’un dossier spécial que les nouveaux articles de nos collaborateurs continueront d’enrichir. Une telle chronologie des livres propose une autre manière de lire l’histoire en cours.
Il semble bien loin le temps où Yossi Sarid, alors ministre israélien de l’éducation, et père de l’écrivain Yishai Sarid, proposait que des poèmes de Mahmoud Darwish soient enseignés dans les écoles de son pays. Loin aussi le temps où Émile Habibi, écrivain palestinien de citoyenneté israélienne, l’auteur des Aventures extraordinaires de Sa’îd le Peptimiste, recevait à la fois le prix Israël et le prix Al-Qods pour son œuvre littéraire. L’espoir de ce qu’on souhaitait devoir être une paix juste et durable s’est enfui. Mais les romanciers, les poètes, les historiens ont continué à écrire, parfois même à dialoguer, d’un côté et de l’autre de cette barrière que les politiques se sont évertués à dresser. Les nombreux articles qu’EaN leur a consacrés témoigne de la vitalité et de la variété de cette production littéraire.
En mettant ces différents textes en regard, nous n’imaginons pas influer sur le cours de événements mais voulons donner à voir la richesse créative de cette région du monde où semble aujourd’hui ne régner que la pulsion de mort. Le général Matti Peled, ancien membre du Palmach, l’unité d’élite de la Haganah, l’armée juive secrète durant la période du mandat britannique, devenu professeur de littérature arabe à l’Université de Tel Aviv, et ardent militant de la paix entre Palestiniens et Israéliens, considérait qu’à travers la littérature peut émerger une relation pleinement humaine dans laquelle l’Autre fantasmé comme incarnation du mal, et réduit à l’état de chose, devient quelqu’un. C’est cette commune humanité avec ses peurs, ses besoins, ses désirs, que ces livres nous font rencontrer.
Né à Jérusalem en 1978, Najwan Darwish est une figure de la nouvelle génération d’écrivains palestiniens. Rendue par la traduction d’Abdellatif Laâbi, sa poésie tourmentée et anxieuse refuse les assignations et se tient « debout / sur les premières marches de la poésie ».
Un ouvrage collectif, non traduit en français, met en relation les traumatismes que l’Holocauste et la Nakba ont respectivement infligés aux Juifs et aux Palestiniens. Ce travail exemplaire relance l’espoir qu’un dialogue puisse se poursuivre.
À tout lecteur curieux de comprendre les tensions et contradictions de la société israélienne contemporaine, on ne saurait trop recommander la lecture de Stupeur. Impressionnant par sa maîtrise narrative, le nouveau livre de Zeruya Shalev – le sixième à être traduit en français – réussit à combiner récit intime et souffle historique.
Pour expliquer la progression des partis politiques racistes et antidémocratiques en Israël, Eva Illouz accorde une place primordiale à la manipulation des émotions. Mais son développement est exemplaire des contradictions d’une large partie de la gauche israélienne.
Ce que la Palestine apporte au monde réunit une cinquantaine de contributions (textes, planches de bande dessinée, cartes et illustrations) pour raconter la vitalité de la société palestinienne.
Dans Ecrire une histoire tue, Sandra Barrère explore les représentations littéraires et artistiques du massacre perpétré entre le 16 et le 18 septembre 1982 dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, à Beyrouth
Publié en arabe en 1998, puis traduit en de nombreuses langues dont l’hébreu, La porte du soleil, d’Elias Khoury, est sans doute le plus beau livre qui ait été consacré à la tragédie palestinienne.
par Sonia Dayan-Herzbrun
| Littérature étrangère, Soleil (été2023)
Sadia Agsous plonge dans l’histoire de la minorité palestinienne en Israël en étudiant des romanciers palestiniens qui ont fait l’expérience de l’écriture en hébreu, comme Atallah Mansour, Anton Shammas et Sayyed Kashua.
La collection « Quarto » fait paraître un volume d’Œuvres d’Amos Oz comprenant dix textes choisis par l’écrivain israélien, grand styliste et homme engagé.
La stupeur, le dernier roman écrit par Aharon Appelfeld, est traduit aujourd’hui en français. En même temps est réédité L’héritage nu, une série de trois conférences.
Publié à New York, la première biographie d’Edward Said (1935-2003) raconte de manière magistrale une vie de cheminements intellectuels, militants et artistiques.
Yaël Neeman n’a rencontré Pazith Fein qu’une seule fois dans sa vie. Mais elle a été marquée par cette femme qui ne cessait d’effacer les traces de son existence, comme tout ceux qui l’ont croisée, dont elle a recueilli les témoignages dans Elle était une fois.
Douze ans après la mort de Mahmoud Darwich, Khadim Jihad Hassan propose un recueil de textes en hommage à celui qui se disait « poète arabe de Palestine ».
Livre aussi court qu’ambitieux, Le sionisme fut un humanisme d’Uri Eisenzweig cherche à réévaluer les discours fondateurs du sionisme comme courant politique et intellectuel.
Le quartier de Florentine cultive depuis sa naissance un entre-deux. Y résider témoigne souvent d’une rupture avec les valeurs dominantes de la société israélienne.
par Pierre Bergel
| Essais
Khalil Tafakji avec Stéphanie Maupas, 31° Nord 35° Est. Chroniques géographiques de la colonisation israélienne
Le géographe palestinien Khalil Tafakji, chargé de « faire parler les cartes » lors des négociations de paix, raconte le processus de colonisation israélien dans un récit géographique et autobiographique.
Les romans policiers de Dror Mishani, autant que des enquêtes bien ficelées, sont une bonne introduction à la vie de la petite bourgeoisie israélienne et une plongée dans une atmosphère psychologique en demi-teinte.
par Claude Grimal
| Chroniques, Littérature étrangère
Elisabeth Asbrink construit un livre qui est à la fois un étonnant essai littéraire sur l’état du monde en 1947 et une réflexion intime sur son histoire familiale.
Il y avait Primo Levi, Imre Kertesz et Aharon Appelfeld. Trois histoires, trois regards, trois voix. Levi était l’adulte, Kertesz l’adolescent, Appelfeld était l’enfant.
par Norbert Czarny
| Littérature étrangère
David Grossman, Dans la maison de la liberté Amos Oz, Chers fanatiques
Les trois étages du dernier roman de l’Israélien Eshkol Nevo se situent dans une banlieue cossue de Tel-Aviv, abritent trois personnages blessés par la vie et trois histoires distinctes.
Plus qu’un hommage de Valérie Zenatti à Aharon Appelfeld, Dans le faisceau des vivants raconte comment, après avoir appris avec lui, elle a appris à vivre sans lui.
En 1981, Didier Ben Loulou traverse Israël, de Jérusalem à Beer Sheva, de Haïfa à Saint-Jean d’Acre. Il prend des photos partout où il se trouve, sans trop savoir pourquoi.
Ivan Segré envisage les conséquences d’une déconstruction des catégories historiques et politiques qui ont servi à penser et à mobiliser contre le colonialisme ou l’impérialisme.
Dans Le monstre de la mémoire, Yishaï Sarid questionne de manière très rude la relation des Israéliens à la mémoire de la Shoah. De passage à Paris en février, l’écrivain israélien s’est entretenu avec EaN.