Décamérez ! La lectrice et le conteur (j28)

Du néologisme verbal décamérer : « sortir de sa chambre en restant confiné ». Vingt-huitième jour de confinement : « un tempo pour tout ».

Dans les jardins de la pensée
Les étoiles – filantes ou fixes –
Et les mots – cultivés ou sauvages –

Jardins en terrasse, ouvriers,
D’enfants, d’hiver, ou bien d’Eden,
Secs, secrets ou suspendus :

aérez !

Décamérez ! La lectrice et le conteur, ou un tempo pour tout (j28)

© Gallica/BnF

Une partie de campagne. Chez une lectrice, par exemple – entre amis.

Il faisait beau. Une longue promenade est décidée, moitié à pied, moitié à cheval. La lectrice est prise à part par un ami qui lui propose de la prendre en croupe et lui promet de lui raconter, chemin faisant, la plus jolie histoire du monde.

Elle se laisse faire.

Mais voilà : il s’embrouille, se répète, se reprend. Il veut recommencer, s’embarrasse à nouveau, confond les noms. Il ne sait plus ce qu’il dit, ni même ce qu’il veut dire. Il semble s’embourber dans un maelström de mots. Bégayant.

Des nappes sonores, sans queue ni tête.

Elle écoutait en silence, s’accrochait comme elle pouvait. Elle souffrait sûrement d’entendre ce charabia qui lui faisait tourner la tête au trot.

Brusquement : « Laisse-moi descendre, s’il te plaît. Ton cheval est trop rude pour moi. »

Il n’était pas bête. Il laissa son histoire, ralentit sa monture et parla d’autre chose, sans plan sur la comète – en improvisant, à bâtons rompus, simplement à l’écoute. Il finit par capter l’attention de celle qu’il avait prise en croupe.

Une affaire essentielle de rythme.


En attendant Nadeau s’est proposé d’héberger ce « néodécameron » abrégé : Décamérez ! est une traduction recréatrice improvisée, partagée avec vous au jour le jour, pour une drôle de saison.