Après la sidération quotidienne des informations et images médiatiques, après les batailles de mots, les décryptages à l’emporte-pièce et l’échantillon des manœuvres prescriptives qui ont occupé et miné les espaces de parole publics, arrivent les premières approches historiennes de ce qui se déroule à Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre, et les réflexions sur le monde qui a rendu cela possible, qui y assiste ou y participe, et qui y survivra. La parole des concernés, si elle a tardé à se faire entendre, commence d’émerger, faisant apparaître des visages et des noms. Parallèlement aux écrits poétiques issus de la Palestine et de sa diaspora, paraissent en volume des témoignages et textes de survivants de l’extermination en cours, qu’on n’avait pu lire jusqu’ici qu’au coup par coup, le plus souvent grâce aux réseaux sociaux et à des associations de militants. On appréhendait ces récits. On avait raison. Là où nous entendions parler de bombardements, de déplacements, d’évacuations d’hôpitaux, ils nous font saisir de l’intérieur les réalités vécues, et on tremble.
« Tout est rouge ! Tout est rouge ! » C’est le cri que répète Mohamad Ayyash, cinq ans, lorsqu’on le retrouve, debout, après que l’explosion l’a fait « voler dans les airs » et atterrir sur un immeuble voisin, au camp de Jabaliya. Le même jour, 10 octobre 2023, sa mère, Nada, s’est elle aussi « envolée » quand deux missiles sheft [1] ont fait exploser l’immeuble où habitait sa famille, près de l’école de l’UNRWA où elle avait enseigné, tuant vingt-cinq personnes de sa belle-famille, du nouveau-né à la grand-mère qui le tenait dans ses bras.
Elle, elle s’est retrouvée ensevelie sous les décombres, et, incapable de parler car elle se croyait morte, elle a poussé sa main du côté de ceux qui criaient en creusant les pierres avec leurs doigts : ils ont alors vu dépasser les siens. C’est une fois extraite des gravats que la « mémoire de sa bouche » lui est revenue, et qu’elle a hurlé en sentant la douleur (« comme si on m’écorchait de la tête aux pieds ») : ses jambes ont été écrasées. À l’hôpital indonésien, rempli de blessés et de déplacés, elle a retrouvé sa fille, hurlante, le pied empalé d’une tige de fer.
C’est la mère qui raconte. Le 12 octobre, ils fuient un nouveau bombardement annoncé par les drones, elle en fauteuil roulant, sa fille blessée et le grand-père infirme, et se retrouvent au camp de Nousseirat avec d’autres déplacés, entassés dans une pièce sans toilettes, lieu que le petit Mohamad, qui se dit « pas content », appelle « maison des diables ».
Pendant ce temps, l’armée israélienne fait l’assaut terrestre de Jabaliya, où son époux tente en vain de rassembler et d’enterrer les morceaux des siens. La traque des missiles les mène à Rafah, où, à plus de cinquante dans un appartement, ils survivent dix jours en buvant de l’eau croupie. Ce qu’ils voient dans les rues, où règne une puanteur que leurs propres corps aggravent, est un « cauchemar » : malades, amputés errant parmi des cadavres en morceaux, mêlés aux déchets : « les morts et les vivants se côtoyaient ».
La famille se déplace cinq fois en quatre mois – « ils nous chassaient d’un endroit, puis arrivaient par les airs pour achever les blessés et ceux qui avaient survécu au carnage » –, avant de se faire évacuer au Qatar pour soins urgents. Hantée par ces scènes, la mère l’est encore plus par le visage des êtres chers suffoquant sous la pierre : « les enfants, les jeunes, les vieux. C’étaient de bonnes personnes, de belles personnes, qui aimaient la vie malgré sa dureté. […] Maintenant, je dois recommencer de zéro, en dessous même, pour reconstruire une vie dont j’ignore tout. Ce que je sais, c’est que je dois continuer pour mes enfants ». Car Dieu soit loué, ses enfants sont en vie.
Mais Mohamad ne cesse de répéter « Tout est rouge ! », et ses cheveux sont tout blancs. Elle parle des « étranges effets » des poisons des missiles à l’intérieur de son corps à elle : hémorragie vaginale (« quelque chose se détachait en moi »), inflammation généralisée, arrêt du cycle menstruel. Plus « étrange » encore est le fait, dit-elle, que « souvent, la douleur physique recouvre celle de l’âme ». Elle pense souvent aux cheveux blancs et aux mots de son enfant « pas content ».

C’est là un des 26 témoignages de Gazaoui.es. de tous âges que l’écrivaine syrienne Samar Yazbek a recueillis au complexe sanitaire Thumama de Doha, ville où réside sa fille. Elle y a passé six mois, au printemps et à l’été 2024, à écouter les récits de rescapés, parmi les 2 500 qui s’y sont réfugiés du fait de leurs blessures, elle les a écoutés répondre à sa question : que vous est-il arrivé depuis le 7 octobre ? Ils sont mutilés, amputés, brûlés, et le plus jeune n’a plus son visage. Mais chacun veut parler, dit qu’il a vu tant de choses qui « dépassent l’entendement » et sont « pure folie » qu’il n’arrivera pas à tout dire, mais chacun veut qu’on l’entende. « S’il vous plait, notez chaque mot », dit Bouchra al-Galban, ex-professeure d’anglais, et certains demandent que soient notés les noms de tous les disparus à la fin du récit.
Il leur manque à tous un bout de leur corps, mais la perte touche à la totalité de ce qu’ils et elles avaient, et étaient : leur famille – certains sont les uniques survivants –, leur maison, leur pays, leurs projets. Ils regardent leur « première vie » avec une nostalgie nourrie d’un appétit de vivre dont l’ardeur crève par moments l’amertume. Nostalgie des joies et espoirs d’avant, ceux que parents et enfants avaient placés surtout dans l’éducation et l’étude, valeurs cultivées et chances d’un futur. Nostalgie violente de Gaza, monde maudit qu’on continue d’aimer en pleurant sur les rues et les rêves anéantis.
Mohannad, quinze ans, déplacé sept fois (« Nous n’étions plus que de simples choses en mouvement »), repense en boucle à ses tableaux et ses pinceaux brûlant dans sa chambre, car il avait le projet de devenir un artiste (« Je ne vais pas bien et je suis triste »). Récit déchirant. Mais ils le sont tous. Certains sont plus éprouvants que d’autres, quand le cumul des souffrances atteint des zones d’atrocité inimaginables, et qu’imaginer l’orgie meurtrière déchaînée sature l’espace mental, en écho à l’état de choc que continue de vivre celui ou celle qui parle, oscillant entre hémorragie verbale et besoin de se taire.
La coupure
Tous et toutes, dans leur corps et dans leur langage, subissent ce que Samar Yazbek appelle la loi du retranchement. Le mot arabe est al-tamazzok, ordinairement traduit par déchirure. Mais à l’acte de trancher s’ajoute celui de faire disparaître. Une mémoire de l’anéantissement fait le portrait d’une humanité déchirée, amputée, éventrée, en montrant la vie d’humains retranchés du monde, la mise en pièces des corps détruits par le feu, le métal et la pierre, celle des vivants mais aussi des morts, qu’il faut tuer plusieurs fois (« Ils bombardaient même les cadavres pour les mettre en pièces »), celle des consciences au cœur de l’anéantissement collectif. La désappartenance qu’engendre le crime de génocide, essentiellement « sans raison » derrière ses calculs politico-économiques, ici territoriaux et immobiliers, a fait parler de « Grande Coupure » au regretté Philippe Bouchereau [2].
C’est pleinement de cela qu’il s’agit ici. Les gens qui parlent, quel que soit leur âge, connaissent la guerre et en ont vécu plusieurs. Les plus vieux évoquent la première Intifada, 2008 et 2012, pour dire toujours que c’était différent, et qu’ils l’ont su dès les premières « ceintures de feu » d’octobre. (« Nous avons su dès le début qu’ils voulaient exterminer tous les habitants de Gaza. Toute créature vivante était considérée comme une cible à anéantir. Dès le premier jour, ils ont dépassé toutes les limites).
Cette fois-ci, disent-ils tous, ce n’est pas une guerre. Prononcer même le mot « génocide » ne suffirait pas, dit l’un d’eux. Il ne faut pas voir là, ni dans l’image fréquente de la fin du monde, une hyperbole inhérente aux récits de survivants. Car c’est bien une apocalypse qui a été voulue et programmée par les commanditaires de ces actes. La réponse au massacre commis par le Hamas avait été annoncée par Netanyahou en des termes imagés, mais clairs : « la région va changer de physionomie et ils s’en souviendront pendant des générations ».
Ce qui a été vécu par les Gazaouis confirme l’immédiate radicalité de ce programme, et réduit à rien le discours sur la guerre de riposte légitime qui dégénère et ne se justifie plus : ce tournant tardif existe bien, mais dans la conscience réveillée de ceux, Juifs et non-Juifs, qui, voyant où menait l’alliance Trump-Netanyahou, et prenant acte de la persistance de l’injustifiable, ont commencé d’éprouver un malaise dans le cadrage médiatique qui s’est imposé en France [3], avec sa panoplie d’évitements, euphémismes et injonctions au silence dans une partie stupéfiante du monde de la culture, de l’édition et de l’université – mais ceci est une autre histoire, elle aussi accablante [4].
En temps de techno-fascisme, d’autre part, la destruction génocidaire est sui generis. L’art de tuer s’est doté d’une haute technologie jamais encore utilisée avec un tel esprit de système sur une zone si minuscule et si densément peuplée. L’IA perfectionne l’extermination, rend le ciblage aussi précis qu’implacable. Chacun vit cela dans sa chair et son âme. Chacun se sait identifié et tente de comprendre la loi politique des avertissements et ciblages, en vain : sont clairement visés non seulement les civils mais les plus faibles, et ceux qui les secourent. Inhumain et cruauté se complètent.
Tel est aussi le prix de ce livre : à travers un atroce miserere, il livre les clés du modus operandi de cet anéantissement de pointe, et décrit de l’intérieur l’ingénierie qui frappe ce génocide au sceau d’une inhumanité au carré : missiles dévastateurs, armes qui empoisonnent et vrillent les chairs, provoquant d’« étranges blessures », drones quadricoptères (les « zananna ») qui à la fois surveillent, identifient et tuent, répandant une terreur inconnue dans les maisons (« Nous étions assiégés même dans l’air que nous respirions avec ces machines de mort volantes qui étaient partout autour de nous ») ; à quoi s’ajoute l’assassinat lent par empêchement de boire et manger, de soigner et de se soigner après la destruction des hôpitaux et l’assassinat des médecins ou leur mise à la torture en prison.
Le résultat, c’est la traque d’un peuple mué en gibier humain, pour lequel aucun possible ne peut ouvrir un présent qui l’encage autant que l’espace, chaque refuge devenant un piège. À Gaza il faut sans cesse fuir, mais il n’y a nulle part où fuir. Tous doivent disparaître.

Tout cela, on le comprend à même la narration des faits par des gens non engagés dans l’action politique, ce que montre d’emblée leur surprise terrifiée en réalisant que les rafales de roquettes viennent du Hamas [5]. La phrase dont se réclame l’autrice, féministe et lectrice fervente de bell hooks, « l’intime est politique », souvent entendue, trouve ici une pertinence implacable. « Quel sens y a-t-il à continuer à parler d’eux à coups de slogans politiques et idéologiques et à rester si éloigné.e.s de leurs douleurs intimes ? », demande-t-elle.
Samar Yazbek dit vouloir « enquêter sur cet acte de retranchement des humains et des pierres », faire qu’il puisse être dit et transformé en « objet narratif », et empêcher ainsi que les vies soient détruites une seconde fois par l’ignorance et l’oubli. Contribuer à cette « reconstruction », c’est aider les survivants à faire avec le langage ce qu’ils ont désespérément tenté de faire en rassemblant les corps de leurs proches.
Elle cherche une manière de narrer capable de « mettre à nu la douleur et le drame de notre monde », ici à travers ce lieu lunaire de Doha, situé près de l’aéroport international, qui lui est apparu un jour, sous un soleil écrasant, alors qu’elle regardait errer des estropiés en fauteuil roulant, comme « le visage du monde » Mais dire sans fard la « déperdition totale », c’est aussi résister à l’anéantissement des vies déchirées et des corps pulvérisés.
Par cette visée testimoniale, le livre rejoint la partie non fictionnelle de son œuvre, après ceux consacrés à la répression sanglante de la révolution syrienne de 2011 et à la guerre qui s’en est suivie, Feux croisés et Les portes du néant, puis le très bouleversant 19 femmes. Les Syriennes racontent, que le présent recueil rappelle par sa forme. Il s’agit encore de visibiliser des vies évacuées du monde, en relatant ici non une révolution brisée qui résiste à sa néantisation, mais la survivance précaire d’un peuple à une entreprise d’extermination en cours.
La résistance se cherche à ras de survie, à même l’histoire de corps défigurés qui ont dû errer, traqués par une destruction dont l’intensité atteint la perception de soi et du monde, jusqu’à la dépersonnalisation : « j’ai eu l’impression que mon cerveau fondait », dit Mohamad Hamdan, soixante-cinq ans, après avoir vu sortir des décombres ses enfants et petits-enfants, tous morts (« leurs visages brillaient de lumière. Je les contemplais pour la dernière fois et n’y croyais pas ! »), puis réalisé que trente membres de sa famille n’existaient plus.
Cette ultra-violence crée non seulement de « l’étrange », mot constamment répété, mais de l’horrifique : scènes dignes de films d’horreur, visions de « folie » que les locuteurs formulent souvent comme l’explosion du monde (« comme si le monde se fendait », « c’est comme si le monde tout entier explosait »), et qu’ils réfèrent au « Jugement dernier ». Dans ce monde explosé envahi par la mort (« La mort était partout et tous ceux que nous chérissions périssaient »), chacun s’apprête à mourir et, aux pires moments, doute d’être encore vivant. Le bombardement met en état d’hallucination celui qui a eu la chance de « voler dans les airs » ou d’être extrait des décombres. Mais l’entre-deux vie/mort se poursuit, car la tâche de survivre oblige à errer parmi des cadavres et parfois à marcher ou rouler sur eux.
Surtout, l’entre-deux se vit littéralement dans la chair : les blessés non soignés voient la partie blessée de leur corps pourrir, rongée par les vers, et seule l’amputation, souvent multiple et réalisée dans des conditions effarantes, leur permet de survivre. Pas toujours : les amputés meurent souvent de maladies non soignées, d’épuisement et de famine, ou des effets invisibles des armes toxiques. « Nos corps étaient devenus des prisons », dit l’un d’eux. « Je n’étais plus capable d’imaginer un corps intact », dit Amal ad-Adham, vingt-quatre ans, soignante dans l’hôpital indonésien et témoin de son évacuation. « Notre épouvante était profonde », dit une autre, et cette simple phrase dit sans doute l’essentiel.
À Gaza il n’y a pas d’enfant
On est au cœur de l’épouvante, et le récit évoqué plus haut est loin d’être le plus terrible. Nasma al-Fara, quarante et un ans, mère de cinq enfants, voit deux d’entre eux mourir dans l’explosion de sa maison le 10 octobre, une fille gravement brûlée, une autre amputée et le visage fendu ; à leur arrivée à l’hôpital Nasser, elle voit un grand nombre d’enfants brûlés au phosphore, « le visage détruit ». Abdelrahman Hamde, dix-sept ans, photographe et étudiant en lettres, perd la totalité de sa famille le 24 décembre lors d’une « explosion de rouge », reconnaît certains des siens à leurs vêtements, puis se retrouve seul en fauteuil roulant dans l’enfer de l’hôpital al-Aqsa puis dans des tentes de déplacés à Rafah.
Dans chaque récit, on retrouve le « tout est rouge » du petit Mohamad : « J’étais persuadé d’être mort. […] Je voyais du sang partout. La couleur rouge noyait mon regard », dit un autre Mohamad, dix-huit ans, blessé à la jambe et réfugié à l’hôpital des Martyrs al-Aqsa, où, le corps « dévoré » par un missile, il voit arriver les victimes d’un autre massacre à Deir al-Balah, cadavres entassés et corps disloqués mis dans des sacs en plastique comme de « vulgaires morceaux de viande ». « Nous étions encerclés par les massacres », dit Hajer Abou Semaan, trente ans, mère de trois enfants, qui, amputée à l’hôpital Shifa, retrouve son fils qu’elle croyait mort opéré de la tête et amputé du pied – mais, tous deux immobilisés, ils ne peuvent que se sourire à distance ; puis la famille est dispersée d’un hôpital à un autre, et elle reste seule et sans nouvelles.
Les récits les plus terribles, ceux des évacuations forcées d’hôpitaux, décrivent un déluge de cruautés de la part de soldats israéliens fous de haine, qui cherchent ou feignent de chercher les otages et les armes du Hamas. Leurs conduites font penser à un mime des violences nazies, comme si la mémoire de la Shoah remontait à l’envers par leurs gestes, et à des scènes de cinéma ultraviolent façon Tarantino, humour en moins.
Ils font exploser les portes d’entrée qu’ils pourraient ouvrir, envahissent les salles d’opération et arrêtent les opérés, font rouler leurs chars dans celles où on lave les morts et écrasent tout et tous sur leur passage, de sorte que les morts « se voyaient broyés encore une fois » (Amal al-Adham, vingt-quatre ans) ; ils tirent à l’aveugle, lâchent les chiens, obligent des multi-amputés à se déplacer, frappent leurs moignons, torturent les infirmes, scannent les yeux d’une fillette dont la tête blessée dodeline malgré l’ordre de ne pas bouger. La question pourquoi ressurgit sans cesse : pourquoi les hôpitaux, les maternités ? pourquoi de telles armes ? pourquoi les universités (« je n’ai jamais compris pourquoi ils visaient l’enseignement ») ? Pourquoi les enfants ?
« Les enfants, petits poussins, sont tous morts ! », dit Jihan al-Bekri, étudiante de littérature arabe, qui, sauvée d’un bombardement amputée des deux jambes, se prend à « répéter encore et encore » le récit de leur mort. On sait combien jeune était la population de Gaza ; sur plus de 60 000 tués par l’armée, le nombre des enfants approche les 20 000 sans compter les innombrables disparus [6]. Le ciblage des enfants est une des signatures du génocide, de son radical « pas de pourquoi-pas de pitié », et la destruction de l’enfance est un de ses effets : l’enfant mobilise des ressources propres pour penser le non-sens de ce qui est en train de se réaliser, qui néantise aussi son enfance [7].
« Pourquoi ai-je perdu ma famille ? Quel sens cela a-t-il ? À Gaza, il n’y a pas d’enfants. […] On me dit que je suis un enfant ! Je ne sais pas ce que cela veut dire », dit Abdallah, treize ans, celui qui n’a plus de visage : il a vu sa famille brûler dans un car de l’UNRWA, et repense sans cesse à Jad, le petit frère qu’il n’a pas réussi à sauver. « Le nombre de morts et de blessés parmi les enfants était énorme », dit Huda al-Baghdadi, trente-trois ans, institutrice, qui, après avoir perdu vingt-quatre membres de sa famille, accompagne les survivants à l’hôpital européen, et fait l’infirmière, déchirée entre ses deux frères et les autres enfants. « Ils constituaient la part la plus importante des victimes. C’étaient aussi eux qui montraient le plus de force, composant avec tout ce qui se passait avec rigueur et constance. […] C’était incroyable ! Où puisaient-ils ce courage ? ».

« Les enfants de Gaza grandissent vite », dit Ibrahim Qudaih, vingt et un ans, étudiant de Khan Younès devenu infirmier à l’hôpital Nasser, voyant un enfant de dix ans s’acharner à rassembler lui aussi les membres épars des morts. « Qui s’attendrait à voir un enfant rassembler des morceaux d’autres enfants ? J’ai tant vu, tant, et ces scènes me poursuivent jusqu’à aujourd’hui », dit le jeune homme, avant de raconter comment il s’est retrouvé à son tour amputé des deux jambes et d’un bras, après qu’une explosion l’a fait voler et atterrir 300 m plus loin. Celui qu’on appelle le « martyr vivant » conclut ainsi son récit : « J’ai des rêves pour l’avenir, je n’ai certes plus qu’une moitié de corps, mais mon âme et ma raison sont bien là. J’ai l’ambition d’écrire des histoires, de continuer mes études. Et un jour je retournerai à Gaza, mon amour ».
Huda, l’institutrice qui avait travaillé à « apprendre aux enfants à accepter leur nouveau corps incomplet », dit avoir « gagné une autre façon de penser » en « s’approchant ainsi du corps humain » dans ces situations anormales, et « commencé à voir notre existence différemment ». « Je ne serai plus jamais la même. Je ne sais pas si c’est quelque chose de bien ou pas. Tout ce que je sais, c’est que sans notre foi en Dieu nous deviendrions fous. » S, trente-quatre ans, qui voulait devenir écrivaine, hantée par le petit corridor de lumière qui a permis de la sortir des décombres, dit à la fin de son récit : « Je suis toujours en vie, avec seulement la moitié d’un corps. Un jour j’écrirai sur tout cela, mais pas maintenant ».
Gaza raconte son génocide
Devenir fou : c’est contre ce spectre et cette tentation que bataillent, armés du langage, les auteurs et autrices réunis dans la première partie du volume Gaza raconte son génocide. Eux, c’est maintenant qu’ils écrivent ou ont écrit. Aussi précieux qu’Une mémoire de l’anéantissement, mais pour des raisons en partie différentes, ce recueil-ci rassemble des textes rédigés ou recueillis à Gaza même, de l’hiver 2023 à l’été 2024, et prend le parti de faire lire à la fois des récits factuels et des textes littéraires, en commençant par ceux-ci : aménageant ainsi une sorte de vestibule affectif et onirique, de sas d’humanité intime ou de chambre d’échos, avant d’affronter dans leur nudité les faits vécus depuis le 7 octobre.
Ce travail de collecte et de transcription a été assuré, dans les conditions complexes qu’on imagine, par l’Institut des études palestiniennes (IEP), que dirige à Ramallah le sociologue Majdi al-Malki, ex-professeur à Birzeit, qui signe l’avant-propos [8]. L’institut, basé à la fois à Beyrouth, Washington et Ramallah, joue depuis soixante ans un rôle considérable dans le travail d’archivage, de recherches et d’enseignement sur l’histoire et la mémoire palestiniennes ; mais c’est en 2003 seulement que le bureau créé à Jérusalem en 1994, qui assurait le lien entre les Palestiniens d’Israël, de Cisjordanie et de Gaza, a été transféré à Ramallah [9].
C’est sur son site web qu’a été édité ce recueil en arabe, anglais et français (une traduction en anglais et en espagnol se prépare.). Une version papier circule à Beyrouth depuis janvier 2025, mais l’édition numérique s’est faite in progress, mois après mois, et la totalité n’est accessible que depuis peu. Le livre, dit l’avant-propos d’al-Malki, entend « documenter la voix des victimes et contribuer à faire la lumière sur la vie des gens ordinaires en ces tempes génocidaires », car « ces récits captifs des murs dévastés et des tentes de déplacés, sont l’expression la plus proche de la réalité de cette guerre et de la profondeur de sa tragédie ».
Le recueil est donc composé en diptyque : quatorze textes appelés « Témoignages » sont issus des milieux lettrés et intellectuels de Gaza [10], femmes et hommes de deux générations, journalistes, poètes, romanciers, enseignants, dont certains animent des ateliers d’écriture, et qui depuis la guerre publient au jour le jour dans des blogs et réseaux numériques, mais répondent ici à la demande de l’IEP ; ils sont rarement les mêmes que ceux qu’on peut lire dans les anthologies et recueils de poésie gazaouie récemment traduits [11] ; puis treize « Récits de guerre », en fait « récits de terrain » issus de « gens ordinaires », qui évoquent leurs vies livrées aux pertes, manques, terreurs, errances : une mère qui a vécu les deux évacuations de l’hôpital Shifa, une autre la prison pour femmes, un commerçant qui a « tout perdu », un « pêcheur à qui l’on a volé la mer », un père et une mère « uniques survivants », une femme blessée qui tente de soigner un cancer et à qui le médecin dit, lorsqu’elle parvient à se faire examiner, qu’elle a « attendu trop longtemps » (« Vivre avec une tumeur maligne assiégée par la guerre »), un enseignant qui parvient à faire classe (« Après la « mort de l’école », une classe fleurit dans un refuge »).
Plusieurs récits se concentrent sur une scène : une naissance (« Une proposition de vie au temps de la mort »), une inhumation (« L’inhumation au temps du génocide : comme si la mort n’était pas la « dernière étape » »), une disparition collective (« Histoire d’une famille rayée de l’état-civil »). Quand le récit est plus long, la voix du témoin alterne avec celle du collecteur, qui, nommé lui aussi, présente et date l’enregistrement du récit, en résume des passages, et le complète par des précisions historiques [12]
Il en résulte un livre hétéroclite, puissant et poignant par cette pluralité, qui restitue un monde aux prises avec sa destruction, et fait de la tension entre littérature et témoignage son principe de composition : document historico-anthropologique de la désappartenance d’un peuple, il fait aussi œuvre collective, polyphonique, témoignant d’un moment de pensée unique, où tous les ressorts de la transmission, art et littérature compris, sont attaqués, mobilisés et questionnés.
Son extrême singularité porte à la fois la très forte signature gazaouie – un monde à l’intérieur du monde palestinien, conscient de lui à l’extrême, dont ce recueil fait toucher la richesse ici largement ignorée, hélas dans les pires circonstances – et celle des littératures du génocide : vacillement anthropologique, défiguration des affects, étrangéisation des faits, des corps et des mots, distanciation réflexive, ironie, humour noir.
Sa présentation, forte et profonde, est assurée par deux écrivains consacrés, qui assurent à Ramallah des responsabilités d’édition et de traduction : le romancier Akram Musallam, né près de Naplouse en 1971, auteur de L’histoire du scorpion qui ruisselait de sueur et de La cigogne (Actes Sud, 2010 et 2015), et le poète Ghassam Zaqtan, né près de Bethléem en 1954, auteur de nombreux recueils, romans et essais, édités pour certains en bilingue [13]. Héritiers de la Nakba, ils ont connu plusieurs exils et enseigné la littérature à l’université de Birzeit, mais aussi, pour Zaqtan, dans des camps de Jordanie.

Ghassam Zaqtan présente le volume comme le produit d’« une tâche difficile qui restera incomplète » : ces récits, écrits par des gens toujours menacés « au 10e mois de la campagne génocidaire en cours », sont comme des « lettres sorties clandestinement du champ de la mort » : « une sorte d’aparté entre gens pressés par le temps qui, entre deux phrases, se retournent, butent contre des cadavres et des décombres ».
Ces récits sont donc eux-mêmes « amputés », inachevés, ambigus, « signes ouverts à l’interprétation » formant une « sculpture aléatoire ». Mais telle est la « douloureuse clarté des témoignages », qui, loin de l’obsession esthétique, étrangers à tout héroïsme, veulent ramasser les corps, « retourner la mort avec les mains et les doigts », cherchent le noyau, et tendent à « dépouiller la langue de sa carapace et de son immunité, puis à la livrer nue, mais avec les écorchures ».
Cette recherche, dit-il, nous fait assister à « l’invention de la vie sous les conditions de la mort ». Les mots viennent du corps avec ses cicatrices, et la langue « arrive avec toute la guerre en elle », tirant ce poids de chair blessée vers la mémoire. Clairs, ces témoignages sont également libres, et leur liberté « réside aussi dans l’exclusion du destinataire, celui qui inonde habituellement l’histoire de ses conditions, goûts, exigences ». Lorsque ce qui compte est de « nettoyer l’âme du cauchemar en l’extirpant de l’obscurité », la recherche de lumière fait aller vers l’intérieur, « tandis que le monde, fantôme silencieux, regarde depuis ses ténèbres ».
Dans son « Prologue », Akram Musallam dit comment la transformation violente des lieux, du temps et des vies transforme aussi la langue, qui, vu ses usages en cours, ne saurait rester la même : lorsque les lettres de l’alphabet servent à identifier des enfants méconnaissables ou des linceuls, lorsque les mots sur les murs alertent de la présence de corps enfouis dans les décombres, lorsque les phrases doivent dépeindre un massacre, la langue ne peut que changer : certains mots meurent, d’autres surgissent avec les nouveaux cauchemars, suscitant des analogies et des liens inédits.
L’idée d’un « beau texte » devient équivoque car les gens ne défendent plus leur humanité qu’à travers la dignité de leur mort. Souvent, dit-il, « les enfants et les bons poètes maîtrisent cette tâche, car leur vocabulaire est frais et leur ironie aussi tranchante qu’une lame ». Et il cite le jeune poète Haydar al-Ghazali : « Le recenseur viendra / dresser une liste / des rues et des maisons : avec un stylo / relèvera nos pertes / puis s’en ira / sans avoir vu mon cœur. // Le recenseur viendra dresser une liste / Des rues et des maisons / puis me laissera compter mes pertes / sur des mains sans doigts » [14].
L’amour, la mémoire, la folie
Mais le futur s’immisce parfois autrement dans cette littérature à la fois libre et piégée. Écrite dans l’urgence qu’impose à tous l’imminence mortelle, encagée dans ce présent, elle se regarde faire mais aussi se projette, à certains moments se rejette et se réempoigne, parfois se moque. On y entend, démultipliés, les échos imaginaires de la mort omniprésente, avec laquelle la conscience négocie chaque jour un espace de figuration, entre refus et acceptation, effroi et tentative de jouer, rêver, sourire.
Le lecteur pénètre par chaque voix dans un monde qui murmure sa violence, en retrait un peu de l’éclat des cris et des bombes mais en leur faisant écho, travaillant par un rythme propre à mesurer le temps autrement qu’en comptant les morts. Chacun s’y démène avec l’amour lancinant pour Gaza et son bruit de mer, en dépositaire affolé d’une mémoire menacée de disparition.
À cette perspective se substitue parfois celle d’une mutation, qui fait fictionner une autre Gaza, interne, née par d’autres voies que la première. « Il est possible, écrit Huda Baroud, que Gaza […] remodèle notre génome en pétrissant ensemble chagrin, colère, amour, haine, hier et demain pour se créer en chacun de nous. J’ai imaginé un jour que Gaza nous donnerait naissance sans père, nous serions ainsi des versions miniatures de sa tragédie qui – soit dit en passant, et en dépit de son caractère tragique – demeure romantique » ; arrive ici l’ironie, car c’est aussi de ce romantisme-là qu’il faut faire son deuil. Ainsi s’imagine Gaza au futur, mère mutante solitaire alors qu’elle incarnait aussi l’amante (« Gaza est notre mère, personne ne fuit sa mère », dit le titre).
« Vous diriez que je suis fou, écrit Jawad al-Aqqad, si vous saviez que je restaure les murs en y écrivant entre autres : « Gaza, enlace nos rêves sans mur, nous sommes dehors » » : comme si la poésie devait permettre aux enfants de se blottir quelque part dans les pires moments de terreur. Son texte, un des plus forts du recueil, décrit la négociation intime d’un poète avec la démence, sa production d’une « forme de folie » : « l’écriture ne chasse pas ma folie, mais travaille à la policer pour en faire un atout créatif pour la langue et la vie », et compenser les préjudices croissants portés à la mémoire. Revenant sur les guerres précédentes, il se rappelle qu’à l’école en 2008 il avait coloré le ciel en rouge, et y voit son premier geste poétique.
« L’être humain redoute-t-il la folie uniquement par crainte de perdre ses souvenirs ? », demande Sama Shattat, une jeune fille de dix-neuf ans qui a vécu dix-huit mois en constant déplacement : « Deux matins de génocide », ainsi s’intitule ce texte saisissant, ironique et anxieux, qui dit son oscillation entre le désir de laisser l’oubli « planter sa tente » dans sa conscience, « fixée avec les pierres de l’errance », et la peur de devenir folle, qui la fait revenir à son blog et s’adresser aux lecteurs, dire sa peur de devenir un simple « refuge pour tous les déplacés de l’oubli ». Lorsqu’elle fait la lessive pour fuir sa détresse, apparaissent sur sa robe des taches rouges qui ne cicatrisent pas.
Toujours, le rouge fait retour. Mona al-Gharbawi, relatant le bombardement de l’hôpital Al-Shifa après son double assaut terrestre, parle du « rouge flamboyant » à propos de la conjonction des chars, des avions de chasse, des quadricoptères et des bombes. Puis, évoquant l’horrible convoi de la honte, lorsqu’il fallut marcher sur des corps déchiquetés, parfois encastrés dans le sol car les chars étaient passés dessus, corps aussi d’enfants et de femmes, comble de l’horreur, elle dit : « C’est comme si, sur ces routes dévastées, les gens marchaient sur leur cœur ».
De ces routes parcourues par les gens de Gaza, nous ne connaissons que le gris horrible, qui unifie les ruines, les rues et les gens, et semble avoir décoloré le monde à l’image de l’humain nié. Il n’en va pas ainsi pour ceux qui ont vu le feu mais ne veulent ni ne peuvent partir. « Je regarde Gaza et vois une vaste étendue de couleur, de l’orange à perte de vue n’offrant aucune trouée au survivant pour émerger du ventre de la mort. Je suis dans la couleur, empêtrée dans la ville », écrit Ahlam Bisharat, dans « Paysage paisible d’une image en mouvement » : elle y raconte comment, venue de Ramallah, elle s’est éprise de Gaza, la ville malade des guerres mais qui garde un visage même lorsqu’elle se « transforme en route de la mort ».
Plus que le sens de la vie, dit-elle, ce qui compte est la « loyauté pour la vie, ses images, ses incendies petits et grands, les particules de ses cendres, ses pierres ». Son texte s’achève sur les « collines de bateaux » qu’elle voit de chez elle, et qu’elle imagine fixés au fond de la mer, l’attendant pour le dernier départ : un « dessin d’enfant non effacé par un adulte », sur lequel la nuit tombe.
[1] Missiles « aspirants » désignant les armes thermobariques qui, aspirant l’oxygène alentour, provoquent une explosion de très grande intensité et de longue durée.
[2] Philippe Bouchereau, La Grande Coupure. Essai de philosophie testimoniale, Classiques Garnier, coll. « Littérature histoire politique », 2017.
[3] Voir Pauline Perrenot, « Les résistants de la 25e heure au chevet de « l’âme d’Israël », Acrimed (Action-Critique-Médias) 22 septembre 2025.
[4] Les initiatives et travaux existent cependant. Signalons, parmi les publications, le collectif Gaza, une guerre coloniale, le livre de Haoues Seniguer, Dieu est avec nous. Le 7 octobre et ses conséquences : comment les religions islamique et juive justifient la violence (Le Bord de l’eau, 2025), et celui de Pankaj Mishra, Le monde après Gaza (Zulma, 2025) ; le colloque international De la Nakba à al-Ibada : réfléchir et agir face à la destruction continue de la Palestine, le séminaire « Palestine et Palestinien.ne.s : expériences et pratiques contemporaines (2023-2024), « Penser l’expérience palestinienne à partir de Gaza » (2024-2025) ; « Faire des sciences sociales sur la Palestine » (2025-2026) ; le séminaire d’étudiants de l’ENS-Paris « Penser avec la Palestine » (2023-2024), « Une approche transdisciplinaire de la Palestine » (2024-2025) et à l’ENS Lyon, « Que nous enseigne la Palestine ? » (2024-2025), coorg. Mariette Ballon, Willy Beauvallet, Romain Lucas, Haoues Seniguer. Enfin deux réseaux internationaux, « A land for All », groupe de soutien à la solution des deux États initié l’un à l’EHESS et le « Genocide and Holocaust Studies Crisis Network » initié en 2024.
[5] Les attaques menées par les brigades du Hamas le 7 octobre sous le nom de « Déluge d’al-Aqsa » ont commencé par 5 000 tirs de roquettes sur les aéroports et positions militaires d’Israël, destinés à neutraliser le système de défense aérien et créer un leurre, pendant qu’au sol était franchie et détruite la barrière de l’enclave après neutralisation des antennes et armes automatiques. Ces attaques accompagnées d’atrocités ont coûté la vie à 1 219 Israéliens et conduit à la prise en otage de 251 personnes. La riposte par l’opération « Glaives de fer » a commencé par des bombardements aériens massifs sur la bande. Une guerre de représailles illimitées se poursuit (malgré le récent « cessez-le-feu »), que nombre d’ONG et d’historiens qualifient de génocide.
[6] Le Guardian a publié le 8 octobre 2025 une liste de 60 199 noms de personnes tuées par l’armée israélienne depuis octobre 2023, dont 18 457 de moins de 18 ans. Ce chiffre, arrêté en juillet et vérifié fin août par le Guardian et le magazine israélien 972mag, ne comprend pas ceux qui sont restés sous les décombres ni les victimes indirectes de la guerre. Rappelons qu’au moins 83 % des Gazaouis tués sont des civils, d’après les données du Renseignement militaire israélien lui-même. D’après l’enquête de l’ONG américaine ACLED, le nombre d’acteurs armés représente moins de 10 % des tués. Nir Hasson, qui examine ce dossier dans le journal israélien Haaretz le 22 septembre 2025, voit dans cette proportion de civils tués « la plus élevée des guerres du 21e siècle ». Vincent Lemire la compare à ce qui s’est passé au Rwanda et à Srebrenica.
[7] Voir Catherine Coquio et Aurélia Kalisky, L’enfant et le génocide. Témoignages sur l’enfance pendant la Shoah, Bouquins-Laffont, 2007.
[8] La coordination a été assurée par Madeleine al-Halabi, Ahmad Ezz el-Din Asaad, Lubna Taha, et les recherches sur le terrain par Fatima Bashir et Ashraf Abu Sharkh. Le recueil est précédé d’un avant-propos de Majd al-Malki, d’un prologue d’Akram Musallam, et d’une introduction de Ghassam Zaqtan. Les textes ont été traduits en français par Souad Labbize et Nadia-Leïla Aïssaoui. Akram Musallam partage la « rédaction » avec Abdul Rahman Abu Yunus Shalama, né à Gaza en 1969, devenu journaliste après des études de littérature arabe à Birzeit. Tous deux écrivent dans le quotidien Al-Ayyâm.
[9] Le siège central a été fondé en 1963 à Beyrouth, où il dispose d’une très riche bibliothèque ; celui de Washington en 1983. En 1994, année de la création de l’Autorité palestinienne, un pôle a été créé à Jérusalem, puis transféré sous la pression israélienne à Ramallah en 2003. L’IEP s’est doté en 1971 d’une revue en anglais qui paraît toujours, en 1981 d’une revue française (Revue d’études palestiniennes, 1981-2008, dirigée par Elias Sanbar et Farouk Mardam Bey), en 1990 d’une revue arabe qui se poursuit (dirigée par Elias Khoury des années 1990 à sa mort), et en 1998, à Ramallah, d’une revue en anglais (Jerusalem Quarterly) qui a produit un important travail d’histoire sociale. L’Institut a créé en 2002 un site web et a intégré dans les années 2010 les nouvelles technologies de communication, créant une institution stable, globalement connectée.
[10] Dunia al-Amal Ismail, Heba al-Agha, Yousri al-Ghoul, Batoul Abu-Asleen, Jawad al-Aqqad, Sama Shattat, Eva Abu-Maryam, Nihal al-Saftawi, Hoda Baroud, Majd Stum, Madeleine al-Halabi, Ahlam Bisharat, Haydar al-Ghazali, Mohammad al-Far.
[11] Que ma mort apporte l’espoir. Poèmes de Gaza, édition bilingue, textes choisis et traduits par Nada Yafi, Orient XXI-Libertalia, 2024 (volume doté d’une précieuse liste de sources internet) ; Gaza. Y a-t-il une vie avant la mort ? Anthologie de la poésie gazaouie d’aujourd’hui, textes réunis par Yassin Adnan et traduits par Abdellatif Laâbi, Points-Poésie, 2025 ; Hend Jouda, Gaza Ô ma joie, traduit par Mireille Mikhaïl et Henri Jules Julien, Héros-limite, 2025.
[12] Celui qui présente le récit sur la double évacuation de l’hôpital Shifa précise que les mêmes atrocités ont été commises dans les hôpitaux Kamal Adwan, al-Yaman al-Saeed, al-Qds à Tal al-Huwa, Tal al-Zantar (deux fois), et que les pires eurent lieu à l’hôpital al-Ahli Baptiste.
[13] Voir Les barbares, mes intimes, trad. Abdellatif Laâbi, Maison de la Poésie-Rhônes Alpes, 2025, et Résurgences du passé, MEO éditions, 2024.
[14] On retrouve Haydar al-Ghazali avec Hamed Ashour et Nisrine Suleimane dans le recueil Moi, ce n’est pas de pain dont j’ai envie, et autres lettres de Palestine, traduits par Sarah Rulfo, éd. Le port a jauni, 2025.
