187

Journal de la littérature, des idées et des arts 13/12 – 26/12 2023

En attendant Nadeau

Jeux, Georges Perec
Optical illusion of some dominos © CC0/Getty Museum

Des jeux et des lieux

Georges Perec a toujours mis le jeu au centre de son œuvre. Reprenant trois volumes parus indépendamment, ce dernier inédit se lit un crayon à la main, activement, le lecteur s’y faisant co-producteur du livre. Des rébus, anagrammes, mots croisés ardus et autre suites arithmétiques retors et incroyablement stimulants, dont il faut sérieusement interroger la place et le rôle dans l’œuvre.

Éditorial

La saison des livres s’était ouverte, cet été, avec des livres qui s’affirmaient comme nos plus proches contemporains. Elle se clôt, en même temps que l’année ou presque, sur plusieurs parutions récentes qui montrent la vivacité de l’histoire littéraire comme de sa critique. De la première traduction en français (par Romain Mollard) de la Jérusalem de William Blake à celle (par Irène Gayraud) du Pressoir de Gabriela Mistral, ce numéro fait la part belle à des textes du passé lus au présent, sans pour autant verser dans une lecture purement muséale ou nostalgique. 

Sommaire

Stéphane Madelrieux
La philosophie comme attitude
par Jean-Marie Chevalier
John Dewey
Nature humaine et conduite. Introduction à la psychologie sociale
par Jean-Marie Chevalier
Antonio Negri, Toni Negri Hommage
Toni Negri (2013) © CC BY-SA 4.0/ParkaProjects/WikiCommons

Toni Negri : pour la multitude

Avec la disparition d’Antonio Negri la cause communiste perd un grand penseur et un combattant infatigable. Persécuté pour ses idées révolutionnaires, incarcéré en Italie, il est devenu célèbre grâce à ses ouvrages polémiques qui se proposent de contribuer à l’émancipation de la multitude.

Ce que la Palestine apporte au monde 2023 - Institut du monde Arabe
« Un métro à Gaza », Mohamed Abusal © IMA

Un jour pourtant, un jour viendra

L’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde », à l’Institut du monde arabe, montre ce qu’est un musée qui regarde son peuple et porte son regard vers d’autres peuples. Les œuvres laissent rêver au jour où la Palestine pourra se déclarer indépendante depuis son musée national d’art moderne et contemporain.
Clémentine Haenel Pleins phares
Clémentine Haenel © Francesca Mantovani / Editions Gallimard

Les amis enfermés : entretien avec Clémentine Haenel

Avec Pleins phares, Clémentine Haenel signe son deuxième roman. Trois personnages s’y trouvent enfermés mais chaque enfermement est différent : une femme est taxi de nuit, un homme qui a commis des meurtres est incarcéré, un autre est en hôpital psychiatrique. Elle revient sur ses thématiques (l’extrême solitude, l’amitié) et sur cette expérience d’écriture.
Ripostes !
« L’ennemi intérieur prend la parole ! » Comité de défense des appelés. (1973) © Coll. la Contemporaine, DM 2349 A 06.

La violence du papier

Philippe Artières et Franck Veyron ont exploré les collections d’archives de La Contemporaine, à Nanterre, pour imaginer l’exposition « Ripostes ! ». Le très beau livre qui l’accompagne explore les diverses formes de lutte imaginées par les mouvements contestataires à une époque (1970-1974) dont la violence en France et dans le monde a été largement occultée.

Gabriela Mistral Pressoir
Gabriela Mistral © DR

Gabriela Mistral, la fervente aux mains nues

Lire Pressoir donne une perspective bouleversante à l’œuvre de Gabriela Mistral, première femme poète lauréate du prix Nobel en 1945. On y perçoit un basculement vers le désespoir, une noirceur et une violence qui contrastent avec ses poèmes plus anciens. Un recueil d’une grande force qui se lit comme un dialogue infini avec ceux qui ont disparu.

Jérémie Gindre, Tombola
© Jean-Luc Bertini

Grandeur fugace de l’ordinaire

Après Pas d’éclair sans tonnerre et Trois réputations, Jérémie Gindre poursuit son exploration de l’étonnante acuité du quotidien et de l’ordinaire. Les sept nouvelles de Tombola en affirment le potentiel romanesque dans un équilibre subtil entre dérisoire et profondeur.

Elene Naveriani, Blacbird, Blackberry Nana Ekvtimishvili, Le verger des poires
Géorgie © Jean-Luc Bertini

La Géorgie à fleur de peau  

La dernière édition du festival « Un week-end à l’Est » nous a fait rencontrer la culture géorgienne à travers des dizaines d’auteurs et d’artistes. Côté parutions, c’est l’occasion de lire les romans de Tamta Méchevili et Nana Ekvtimishvili. Et côté cinéma, le film d’Elene Naveriani.
Elias Khoury, L’étoile de la mer 
Vue en direction de la mer depuis le monastère Stella Maris (Haïfa) © CC BY-SA 3.0/Someone35 /WikiCommons

L’Arabe invisible

Comment être un Arabe en Israël ? La question tient prisonnier le héros de L’étoile de la mer, superbe roman de l’écrivain libanais Elias Khoury. Ce deuxième tome de sa trilogie palestinienne est aussi une puissante réflexion sur l’impossibilité et la nécessité de la littérature.
Pierre Bayard, Hitchcock s'est trompé
Rear Window, d’Alfred Hitchcock © CC0/Wikicommons

Hitchcock, fieffé trompeur

Après Sophocle, Agatha Christie ou Shakespeare, Pierre Bayard s’attaque à un autre géant, du cinéma cette fois : Alfred Hitchcock. Avec une précision ludique, il analyse son Fenêtre sur cour. Il le passe à la moulinette virtuose de son entreprise de déconstruction littéraire et intellectuelle jouissive pour nous révéler que le cinéaste, lui aussi, se trompe.

La philosophie comme attitude Stéphane Madelrieux
Attitude © CC BY-SA 2.0/quinn.anya/Flickr

L’attitude ou « l’air philosophe »

De quoi des options philosophiques aussi fondamentales que le réalisme, le naturalisme, le rationalisme ou le pragmatisme sont-elles le nom ? Non pas, selon Stéphane Madelrieux de thèses ou de corps de doctrines, ni même à proprement parler de méthodes, mais d’« attitudes », un concept subtil et assez éthéré.

L’apparition de la solitude

Après s’être intéressée à la rupture, à la frivolité ou au rire féminin comme autant de pratiques historiquement codifiées, l’historienne des sensibilités Sabine Melchior-Bonnet décrit aujourd’hui l’évolution d’un autre comportement : la solitude.

Andromaque par temps de guerre

Pour Stéphane Braunschweig, Andromaque est à la fois une pièce sur la folie amoureuse et sur celle de la guerre. Une lecture pertinente qui refuse les procédés d’actualisation, mais fait entendre des résonances contemporaines.

Mon père, ma bataille

Avec Je vais bien, l’auteur de la bande dessinée Le café de la plage, Régis Franc, revient avec tact et émotion sur la vie de son père. Il raconte l’histoire d’un homme simple et le rapport complexe qu’il a entretenu avec lui.
Contribuez à l’indépendance de notre espace critique

Les derniers articles de notre numéro 186

Serge Doubrovsky L'un contre l'autre
Serge Doubrovsky (2014) © JF Paga / Grasset

Doubrovsky avant Doubrovsky

On fait la plupart du temps les fonds de tiroirs des grands écrivains. C’est bien souvent une erreur affligeante. Rien de tel avec la publication de L’un contre l’autre, le premier roman que Serge Doubrovsky, futur inventeur de l’autofiction, écrivit à vingt-quatre ans. On plonge dans ce roman comme dans un labyrinthe inégal, comme dans un jardin secret et on y découvre les prémisses d’une grande œuvre en gestation.

Marcel Cohen Cinq femmes
Marcel Cohen © Jean-Luc Bertini

Le courage et la bonté

Marcel Cohen prolonge son livre de 2013, Sur la scène intérieure, en racontant l’intervention dans sa vie de cinq femmes qui auront secouru et aidé l’orphelin qu’il était. Observant leur bonté et leur bonté comme des faits, rien que des faits, ce grand écrivain de la mémoire sans l’autobiographie et du récit sans l’enquête bouleverse.

Olivier Douville, La psychanalyse dans le monde du temps de Freud. Chronologie
Sigmund Freud ©CC BY 2.0/aeneastudio/Flickr

Freud en mondovision

Olivier Douville raconte comment la psychanalyse a conquis le monde entier comme un virus. Avec vivacité et audace, il retrace comment la discipline se déploie, prend forme et s’incorpore à son époque. Une somme monumentale, érudite, formidablement stimulante qui parvient à nous faire rêver. Que demander de plus ?

John Ruskin Praeterita
Image provenant du livre « Praeterita » de John Ruskin © PUR

Le passé recomposé de John Ruskin

L’autobiographie de John Ruskin, critique d’art tant admiré de Proust, dénonciateur de la société industrielle, pilier de l’Arts and Crafts Movement, militant de l’éducation populaire, maître à penser des pré-raphaëlites, n’avait pas été traduite depuis 1911. On redécouvre avec enthousiasme un texte foisonnant et stimulant.

Juliette Keating et Gilles Walusinski À la rue
Photo provenant de « À la rue », de Juliette Keating et Gilles Walusinski (Montreuil) © Lire des marges

Écrire la rue

La rue est un espace complexe, altéré, qu’il faut vraiment observer. Trois livres racontent les nuits de survie des sans-abri, les difficultés des expulsés Rroms de Montreuil et la longue histoire de la mendicité. Lectures fort différentes mais plus qu’utiles en ces temps où la rue parisienne se transforme.

 

Écrits fantômes. Lettres de suicides Vincent Platini
© Jean-Luc Bertini

Ultimes missives des proscrits

Vincent Platini a recueilli avec minutie une multitude d’écrits de personnes qui se sont suicidées entre 1700 et 1947. Loin d’une morbidité malsaine, il transmue ce triste corpus en un texte véritable, polyphonique, qui restitue autant des parcours de vies ordinaires que l’histoire des « écritures de soi ».

 

Les deux versants d’une vie 

Deuxième livre traduit en français de la romancière roumaine Simona Sora, Complaisance. Ascension en orthopédie, se lit tête-bêche, comme si deux récits devaient se rencontrer. Procédé qui donne à lire deux versions d’une existence contradictoire et dresse un tableau sans illusion des sociétés modernes, tant à l’Est qu’à l’Ouest.

L’atelier ou l’école ?

On n’en finit pas, en France, de prétendre « revaloriser l’apprentissage » et pourtant on le relègue et le méconnait franchement. L’historien américain Steven L. Kaplan, auteur d’une somme célèbre sur l’histoire du pain, en dessine l’histoire compliquée depuis Colbert jusqu’au début du XXesiècle.

Extension du domaine de l’art

Avec La vie des arts (mode d’emploi), Jean-Marie Schaeffer clarifie de façon lumineuse un certain nombre de questions, d’ambiguïtés, d’apories et de flous touchant à ce que nous entendons par « art ». Sa réflexion est constamment informée et précise, tant historiquement que théoriquement.

Consultez le deuxième volet du numéro :