Longs, courts, situés aujourd’hui ou il y a un siècle, ici et ailleurs, les trois livres de trois auteures féminines, Kate Atkinson, Margaret Atwood et Rijula Das, ont chacun de noirs ou moins noirs atouts.
Le règne de la nuit est un roman historique (très bien documenté) et un polar. Nous sommes en 1926 : Nellie Coker, patronne de night-clubs londoniens, sort de prison où elle a purgé une peine de six mois pour non-respect du règlement à l’intérieur de ses établissements. Quelle barbe ! Ses soutiens dans la police seraient-ils devenus insuffisants ? Pire, un nouveau flic consciencieux la surveille de près et, non content d’avoir l’œil sur elle et sa famille, s’intéresse à la disparition de très jeunes filles attirées par les promesses du monde de la nuit et happées par lui. Mauvais pour les affaires.
À côté de l’intègre et persévérant inspecteur Frosbisher, une certaine Gwendolen, ancienne infirmière militaire, vient se mêler de l’enquête. L’intrigue va et vient autour de ses nombreux personnages tandis que se dessine un tableau de la vie de plaisirs des années 1920 ( jazz, alcool, flappers…) et de la vie de ceux qui n’y participent pas.
Tout cela est écrit avec le punch et l’aisance humoristique ou un peu sinistre habituels à Atkinson, romancière très populaire en Grande-Bretagne.
Le club des vieilles contre-attaque, brève histoire humoristique de Margaret Atwood, célèbre écrivaine canadienne connue pour sa peu humoristique dystopie La servante écarlate, raconte la vengeance de trois universitaires à la retraite. Celles-ci, qui se rencontrent régulièrement pour un drink et une petite conversation, décident de rendre justice à l’une de leurs amies et anciennes collègues dont la carrière littéraire a été autrefois ruinée par le complot de collègues masculins jaloux de son succès. Le châtiment prendra une forme tout autre que celle qu’elles avaient prévue.

Petites morts à Sonagachi, premier ouvrage d’une écrivaine bengalie, est plus un roman avec crime qu’un polar. Mélangeant les genres – celui du roman d’aventures et de l’étude de mœurs – et les tonalités sérieuse et comique, il s’intéresse au milieu de la prostitution à Calcutta, principalement dans le quartier de Sonagachi. Sans voyeurisme ni moralisme, il présente un monde de patronnes de bordels, d’entremetteurs, de prostituées (et de leurs enfants), de clients, de policiers… et même de « coopératives de travailleuses du sexe », organisations qui se sont créées dans les années 1970 pour apporter une petite aide financière et sanitaire aux prostitué(e)s.
Lalee, qui travaille au Lotus Bleu, une « maison » de Calcutta, se voit proposer une « promotion » par sa patronne qui lui offre de prendre la chambre et la place d’une collègue de « catégorie A », c’est-à-dire plus jolie, plus chère, et donc demandée par des clients plus riches ; un « remplacement » financièrement intéressant, mais un brin inquiétant car la remplacée vient d’être assassinée. Cependant, comme dans ce milieu nul ne pose de questions, que le danger fait partie du métier et que l’occasion semble belle, Lalee accepte.
La vision du quartier rouge de Sonagachi avec ses différents rouages et acteurs, la psychologie un peu complexe de Lalee, éloignée du cliché habituel de la prostituée, font de Petites morts à Sonagachi une intéressante lecture.