Le premier polar de la quarantaine

Ce qui nous arrive

Suspense (30)

Antonio Manzini, auteur de polars italien, connu pour sa série mettant en scène le  « vice-questore » Rocco Schiavone, vient de publier en ligne ce qui est sans doute la première enquête policière se déroulant dans des circonstances de quarantaine. Elle est brève, une trentaine de pages, et souhaite avant tout, suivant les mots de l’auteur, « faire sourire ». Mission accomplie. Merci à lui ainsi qu’à sa célèbre maison d’édition, Sellerio, pour leur amusant cadeau.


Antonio Manzini, L’amore ai tempi del Covid-19.  Sellerio (en italien), 31 p.,  gratuit sur le site de l’éditeur.


L’amour au temps du Covid-19 a deux ambitions : raconter de manière comique les effets du coronavirus sur la société italienne et mettre en scène un de ces fameux « meurtres en lieu clos », parfaitement démodé, mais parfaitement adapté, ô ironie, à des temps de confinement.

Le début de l’histoire, impeccablement réussi, fait se succéder en quelques pages les réactions à l’épidémie : d’abord le déni (« un rhume venu de l’autre bout du monde »), puis les théories paranoïaques sur son origine, ensuite les moqueries des pays étrangers (« Les Italiens en profitent pour faire la sieste »), enfin, catastrophe avérée oblige, la mise en place d’un état d’urgence. À côté des hôpitaux débordés, « les bars étaient fermés, comme les librairies ce qui laissait indifférent 90 % des gens. Les parfumeries, elles, étaient ouvertes et le seul courrier autorisé à circuler en long en large et en travers apportait dans les foyers le bric-à-brac divers vendu par les multinationales de l’e-commerce ».

Antonio Manzini, L’amore ai tempi del Covid-19

© Jean-Luc Bertini

Puis s’ouvre une comédie noire à l’italienne. Dans un appartement de la ville d’Aoste habité par sept personnes de trois générations différentes, le père de famille est trouvé mort dans la baignoire. Qui l’a tué ? ses enfants ? sa femme ? son beau-frère ? ses beaux-parents ? Schiavone les interroge avec délectation et détestation : ils sont tous bêtes et méchants, mais lequel est l’assassin ? Il trouvera bien sûr la solution.

Le livre se termine sur une pirouette utopiste post-épidémique. Après cette période terrible de Covid-19, dit Manzini, ses compatriotes se mirent à adopter quelques comportements nouveaux (plus de grandes embrassades, une distance respectueuse dans les queues, etc.) et à devenir justes et sages. Au point que «  plus jamais on n’entendit ou ne vit se déchaîner sur les ondes, les écrans et ‟on line” les pleins d’eux-mêmes, les imbéciles, les menteurs, et qu’on se mit à écouter les opinions des gens sérieux, instruits et surtout désintéressés ».

À lire donc (avec ou sans dictionnaire italien à portée de main). Et pour ceux qui voudraient rencontrer plus longuement Rocco Schiavone, mais en français, voir Un homme seul (2018) publié chez Denoël. Les amateurs auront, eux, déjà lu les trois dernières aventures (non traduites) de Schiavone qui se déroulent à Rome ou au Val d’Aoste, Pulvis et umbra (2017), Fate il vostro gioco (2018), Rien ne va plus (2019).


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