Alors qu’EaN publie, en partenariat avec « Les Rencontres Littéraires Internationales Meeting » de Saint-Nazaire, une fiction de György Dragomán, nous vous proposons de découvrir les réponses radicales de la célèbre romancière Krisztina Tóth à notre « Questionnaire de Bolaño ».
Quel est le premier mot qui vous vient à l’esprit ?
Le temps.
Quelle est la différence entre ce mot et le mot « écrivain » ?
Un écrivain n’en a jamais assez.
Qu’est-ce que la littérature hongroise ?
Un beau cristal resplendissant. Si vous le trouvez, il vous saisit d’éblouissement.
Krasznahorkai, Esterházy ou Kertész ?
Si la question n’était pas aussi éhontément machiste, je serais heureuse d’y répondre.
Que pensez-vous de la « littérature mondiale » ?
Il est bon de s’y baigner, elle est large et bienfaisante, comme la mer.
Emily Dickinson, Kafka ou Kae Tempest ?
Kafka, sans aucun doute.
Bowie, les Rolling Stones ou Tom Waits ?
Allez vous faire foutre : Patti Smith.
Quel est le meilleur roman de Péter Esterházy ? Et de László Krasznahorkai ?
Vous pourriez au moins écrire « à votre avis » ! De Péter Esterházy : Les verbes auxiliaires du cœur (A szív segédigéi). Et de László Krasznahorkai : Tango de Satan (Sátántangó).
Si vous l’aviez connu, qu’auriez-vous dit à Borges ?
Que j’aimerais pouvoir dessiner quelque chose qui soit comme ses textes.
Et à Frida Kahlo ?
Que j’aimerais pouvoir écrire des textes qui soient comme ses peintures.
Avez-vous déjà versé des larmes à cause de critiques adverses ?
Non. Mais j’ai souvent eu des fantasmes sadiques.

Quel souvenir gardez-vous de votre enfance ?
Beaucoup de solitude et de douleur.
Quel genre d’objets collectionnez-vous ?
De petits oiseaux en verre, insignifiants et de mauvais goût. Si vous en avez, envoyez-les-moi !
Quelle est votre équipe de football préférée ? (Si vous n’en avez pas, vous pouvez répondre à la question de votre choix.)
Je vois que les répondants supposés sont des hommes. Je veux dire, des écrivains.
À quels personnages de l’histoire universelle auriez-vous aimé ressembler ?
Je n’ai jamais voulu ressembler à un personnage historique.
Avez-vous beaucoup souffert par amour ? par haine ?
Oui. Qui n’a pas souffert ?
Les listes de vente de vos livres sont-elles pour vous un objet de préoccupation ? (Si oui, pourquoi ?)
Non. Mon travail consiste à écrire.
Vous arrive-t-il de penser à vos lecteurs ?
Lorsqu’ils partagent leurs expériences et leurs histoires personnelles lors des séances de dédicaces, je suis émue. Je ne pense jamais aux lecteurs lorsque j’écris.
De tout ce que vos lecteurs vous ont dit, qu’est-ce qui vous a le plus touchée ? Qu’est-ce qui vous a le plus énervée ?
Ce qui m’agace le plus, c’est que les gens disent que mon écriture est « raffinée ». Ce qui m’a le plus touchée, c’est l’histoire d’une mère qui m’a dit à quel point mon recueil de nouvelles l’avait aidée à parler de sa maladie à son enfant.
Qu’est-ce qui provoque l’ennui chez vous ? et l’amusement ?
Les questions stupides, le monde littéraire machiste et les gens manipulés et soumis à un lavage de cerveau politique.
Comment écrivez-vous ? À quel moment de la journée écrivez-vous ? Où écrivez-vous ?
Quand on me laisse tranquille. Dans ma chambre, sur le lit, assise à moitié.
En compagnie de qui aimeriez-vous vous retrouver dans l’au-delà ?
Mes animaux.
Avez-vous cru, à un moment ou à un autre, verser dans la folie ?
Non, même si beaucoup de gens ont essayé de me le faire croire. Mon cerveau est mon outil de travail.
Qu’est-ce qui vous fait pleurer ? rire ?
J’aime l’ironie, j’aime le sentimentalisme, et j’aime quand un ouvrage peut mélanger les deux.
Que dites-vous à ceux qui pensent que Houellebecq est le grand auteur de notre temps ?
Je leur conseille de feuilleter plutôt ses poèmes. Emportez-les en vacances.
De qui suivez-vous le plus les conseils quand il s’agit d’écrire ?
De mes pairs. Les bons.
Quel écrivain admirez-vous le plus profondément ?
« Écrivain » ? Ludmila Ulickaja, Sofi Oksanen, Olga Tokarczuk.
Peut-on sauver le monde ? (Si oui, pourquoi ?)
Non. Mais cela vaut la peine d’y travailler.
En quoi croyez-vous ?
Dans les mots.
Qu’évoque pour vous le mot « posthume » ?
Le fait qu’il faut être très attentif à son rythme de travail.
Qu’est-ce que vous auriez aimé être au lieu d’écrivain ?
Vétérinaire.
Avec l’intercession amicale et la traduction de Csaba Hórvath.
