Conte palestinien

Premier livre des éditions Terrasses adressé – mais pas seulement – à la jeunesse, Le secret de l’huile est un conte écrit par le Palestinien Walid Daqqa alors qu’il était en prison, où il est mort en avril 2024, après y avoir passé trente-huit ans. Dans ce texte poétique et puissant, la violence extrême de l’occupation israélienne en Palestine et ce qu’elle fait aux enfants, aux femmes, aux hommes, aux animaux et aux arbres saute aux yeux. Mais, heureusement, son héros, Joud, est là, il nous guide de la hauteur de ses douze ans pour voir les problèmes et les solutions à partir d’une autre perspective qui permet plus d’espoir. Ce texte est sorti clandestinement grâce à un ami de l’auteur emprisonné en même temps que lui, le militant Salah Hamouri.

Walid Daqqa | Le secret de l’huile. Édition bilingue. Trad. de l’arabe par Najla Nakhlé-Cerruti. Illustrations de Ram Sallam. Préface de Salah Hamouri. Terrasses éditions, 128 p., 12 €

L’histoire que raconte le livre est aussi une histoire de fuite, de sortie clandestine de prison, celle du sperme d’un détenu qui a permis la naissance de Joud, le héros de ce conte. Directement inspiré de la vie de l’auteur, qui a eu sa fille de la même manière, le texte de Walid Daqqa suit le petit garçon qui cherche à retrouver son père qu’il n’a jamais pu voir, étant puni avant même sa naissance – son existence constitue à elle seule un crime aux yeux de l’armée d’occupation. Un acte de résistance par le corps.

Il y a quelque chose de déroutant à voir cohabiter les termes « sperme », « armée », « prison » avec des images de contes pour enfants. Pourtant, ce choix souligne parfaitement la situation de la Palestine qui ne permet pas à ses enfants d’ignorer ces mots bien longtemps, eux qui baignent dans un monde où leur droit à l’innocence est dénié. Mis à part ce vocabulaire de circonstance, on retrouve dans Le secret de l’huile tous les codes du conte, par exemple les animaux qui parlent en guise d’adjuvants.

"Le secret de l’huile", de Walid Daqqa © Dessins de Ram Sallam/Terrasses éditions
« Le secret de l’huile », de Walid Daqqa © Dessins de Ram Sallam/Terrasses éditions

Ils accompagnent le petit Joud dans sa quête qui consiste à traverser le mur de séparation avant de s’introduire dans la prison. Il y a aussi le lapin zibeline, qui est séparé de sa famille depuis la construction du mur (« la cause de toutes les catastrophes »), Mr plume l’oiseau, Ronron le chat, la canine le chien qui a rejoint la résistance après avoir travaillé avec la sécurité israélienne… sans oublier, bien sûr, Oum Roumi, l’olivier, une arbre (au féminin, comme l’est le mot en arabe) millénaire, détentrice du secret de l’huile, crucial dans l’histoire.

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Si le fait de parler aux animaux est présenté comme normal, pour pouvoir communiquer avec l’arbre, il a d’abord fallu à Joud « apprendre sa langue ». On peut se demander si la langue qu’il doit apprendre est celle des arbres ou des ancêtres. La question des générations est en effet centrale dans le conte. Oum Roumi choisit de confier son secret à un enfant juste avant d’être arrachée à sa terre par l’armée israélienne, après 1 500 ans d’existence. Elle compte sur lui pour l’utiliser de la meilleure des manières afin de soigner la « maladie de l’époque ». Elle le met alors dans une situation délicate, où, tout en ayant un pouvoir restreint (le secret), il doit trouver un moyen d’aider et de libérer son père, les autres prisonniers – qui tous l’émeuvent par leurs parcours – et la terre de Palestine tout entière.

Joud finit par comprendre qu’il est impossible de réussir tout cela d’un seul coup, alors il choisit de miser sur l’avenir, sur les enfants comme lui, ce qui donne lieu à un passage sublime que nous ne dévoilerons pas ici mais qu’il vous faut découvrir. Il se résout donc à patienter, à reporter ses plans et à renoncer à sa joie personnelle pour un avenir meilleur où la Palestine vivra et où ses enfants recouvreront enfin leur innocence.

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