Le Concerto de Mendelssohn par Isabelle Faust

Disques

S’il existait une rentrée musicale, le Concerto pour violon en mi mineur de Felix Mendelssohn pourrait y trouver sa place grâce à l’interprétation nouvelle d’Isabelle Faust enregistrée par Harmonia Mundi. La violoniste, accompagnée par le Freiburger Barockorchester que dirige Pablo Heras-Casado, offre une véritable recréation de l’œuvre. Plus d’un mélomane ira certainement de surprise en surprise à l’écoute de cet enregistrement.


Felix Mendelssohn, Concerto pour violon, Symphonie n° 5 « Réformation », Les Hébrides. Isabelle Faust, violon. Freiburger Barockorchester, dir. Pablo Heras-Casado. Harmonia Mundi, 18 €


Alors qu’au XXe siècle la tradition d’interprétation a imposé l’usage d’un vibrato presque ininterrompu, Isabelle Faust, au contraire, démontre de façon magistrale que le portamento et le glissando constituent des éléments d’expressivité musicale tout aussi intenses. Le livret d’accompagnement s’attache d’ailleurs à expliquer que ces procédés étaient ceux utilisés par le violoniste choisi par Felix Mendelssohn. Depuis des années, le travail d’Isabelle Faust s’affirme comme une aventure musicale majeure de notre époque. Pour le concerto de Mendelssohn, son étude des différentes éditions de l’œuvre et de la correspondance entre le compositeur et le violoniste dédicataire la plonge au cœur de la création de l’œuvre. Ce travail philologique approfondi donne à son jeu une autorité naturelle et une musicalité inouïe.

Felix Mendelssohn, Concerto pour violon, Symphonie n° 5

Felix Mendelssohn par James Warren Childe (1830)

Ainsi, ce qui frappe d’emblée l’oreille, dès les premières notes, c’est l’inhabituelle absence de vibrato : l’intervention de la soliste, tout en paraissant lointaine, expose rapidement ce qui fait ensuite toute la cohérence de son propos. L’assurance de ce discours ne fait que s’amplifier tout au long du premier mouvement, le violon d’Isabelle Faust semblant même parfois, dans certains traits, se démultiplier prodigieusement. Les rubatos de la soliste et de l’orchestre mènent à une conclusion qui brille par son tempo très soutenu et débouche brusquement sur le deuxième mouvement. On arrive, à partir de là, à un chef-d’œuvre d’interprétation. L’orchestre prépare avec une finesse remarquable le phrasé d’Isabelle Faust déployant la mélodie. Celle-ci devient une longue courbe musicale continue, uniquement interrompue à mi-parcours par les cuivres de l’orchestre et les doubles cordes du violon solo ; cette intervention fait l’effet d’un réveil au milieu d’un rêve. Le troisième mouvement, quant à lui, constitue un dialogue exemplaire entre le violon solo et chacun de ses partenaires ; la joie d’échanger quelques notes avec chacun des musiciens de l’orchestre est réellement communicative.

Il est indéniable que le Freiburger Barockorchester pourrait, à l’occasion, se renommer « Freiburger Romantikorchester ». Deux ans après leur magnifique enregistrement du Concerto pour violon de Robert Schumann, cette formation orchestrale, à nouveau conduite par Pablo Heras-Casado, se révèle être l’excellent partenaire d’une musicienne à la recherche d’une interprétation tout à la fois originelle et nouvelle. Grâce à eux, il est permis à l’auditeur d’entendre, peut-être, le concert qui s’est donné au Gewandhaus de Leipzig le 13 mars 1845.

L’écoute se poursuit avec deux œuvres orchestrales de Mendelssohn : Les Hébrides et la Symphonie n° 5 « Réformation ». Cette symphonie a fait l’objet d’une nouvelle édition, par Breitkopf & Härtel, motivée par les cinq cents ans de la Réforme et dont on entend ici le premier enregistrement.


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