Trois romans qui se déroulent en Espagne, en Italie et en Grèce mettent respectivement en scène un ancien tueur à gages qui veut sauver son neveu, un ex-dealer animé par la vengeance et un commerçant ruiné épris de vérité et de justice. Rien de commun dans ces trois livres de Marto Pariente, Gianni Biondillo et Michalis Makropoulos, si ce n’est leur excellente facture.
Coveiro, ancien tueur à gages, s’est installé à Balanegra pour s’occuper de Marco, son neveu autiste, à présent orphelin. Dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, celles de fossoyeur, il ne manie plus que la pelle et la pioche. Il va cependant devoir ressortir ses armes du placard car Marco, qui l’aide dans son travail et se promène parfois la nuit dans le cimetière, se fait enlever près de la tombe du dernier enterré, un homme politique compromis dans divers scandales. Pourquoi a-t-on kidnappé Marco? Et comment le retrouver ?
Lancé à sa recherche, Coveiro aura affaire à une série de grotesques zozos qui mènent de leur côté leurs peu recommandables actions et s’entretuent avec entrain : Rubí de Miguel, mère du mort et femme d’affaires, Double Mickey, son autre fils, un Russe qui n’est pas russe, les Tapia, hommes de main profanateurs de tombes, les Bobby, élégant couple de pro du « nettoyage », des hommes de loi véreux…
L’histoire, pleine de rebondissements, est d’un humour très noir, ses crapules impeccablement drolatiques. Après l’excellent La sagesse de l’idiot, Pariente fait à nouveau preuve d’un joli tour de main.

Milan a ses bons ou très bons auteurs de polars, de Giorgio Scerbanenco à Piero Calaprico ou Luigi Vergallo ; avec Le goût du sang, Gianni Biondillo rejoint ce groupe. Le livre (qui date de 2019) déploie en effet un élégant savoir-faire pour mêler la vie de la métropole lombarde aux péripéties du giallo.
Soit Milan enneigé et ses différents quartiers. Dans le populaire Quarto Oggiaro, transformé par l’immigration du sud, règne la ‘Ndrangheta calabraise. Sasà, un des exécutants de l’organisation, sort de prison avec une idée en tête, se venger et retrouver un magot qu’il a planqué. Dans le même temps, l’inspecteur Ferraro, héros fatigué et sarcastique des précédents romans de Biondillo, se trouve, plutôt mal gré que bon, chargé de l’empêcher de nuire.
L’histoire, qui se déroule lors d’une tempête hivernale, balade le lecteur des quartiers pauvres aux plus huppés, d’une salle de boxe à des soirées érotiques chez les nantis, le fait assister aux provocations de petites frappes et à des gros coups fourrés politico-mafieux. Le goût du sang est rapide, ironique, rempli d’action, milanais en diable… bref, captivant.
Ilias, commerçant athénien ruiné par la crise, puis séparé de son épouse et de ses filles, est retourné dans son village natal d’Épire, Delvinaki. Entre une vieille mère peu causante, les tsipouros sirotés au bistrot et des marches sous la neige (on est en hiver et dans les montagnes), Ilias peut continuer à s’adonner à la mélancolie. Mais voilà qu’on découvre dans une fosse le cadavre d’une jeune femme inconnue.
Ilias soupçonne Yagonassis, un villageois « qui trempe dans de sales affaires », d’y être pour quelque chose. Son ami, le commandant de police Kotsomendis, lui conseille de ne pas se mêler de cette histoire, qui, à ses yeux, concerne la mafia albanaise, très active dans le coin. D’ailleurs, un « coupable », découvert fort à propos, se « suicide » : l’affaire est classée. Splénétique mais soudain mû par un inextinguible désir de vérité, Ilias s’attache à la recherche de l’assassin. Il le trouvera, pour son plus grand malheur… ou pour la plus grande satisfaction de son penchant dépressif.
L’arbre de Judas fait penser à certains Leonardo Sciascia par sa trame, son sens de la corruption sociale, la retenue de son style, l‘obstination mélancolique de son héros. C’est une belle réussite.