Un atlas des langues

Jean Sellier est auteur, ou coauteur avec André Sellier, de sept atlas des peuples du monde. Il reprend ici la formule en l’appliquant au plus grand nombre des 6 000 langues parlées sur la planète. Il ne s’attache pas à décrire leur fonctionnement, leur lexique ou leur grammaire. L’objectif de cette Histoire des langues et des peuples qui les parlent est de reconstituer le contexte de leur apparition, s’il est connu, et de leur évolution.


Jean Sellier, Une histoire des langues et des peuples qui les parlent. La Découverte, 600 p., 32 €


L’ouvrage de Jean Sellier, de près de 600 pages, très clair, est organisé selon deux axes, l’un historique, l’autre géographique. L’axe historique est composé de trois parties : « Avant l’écriture », « Avant l’imprimerie », « Les langues modernes ». Dans chacune de ces parties, une exploration des divers continents. Des encadrés stimulent notre curiosité. Des cartes et des tableaux aident à saisir l’état actuel des connaissances.

Jean Sellier, Une histoire des langues et des peuples qui les parlent

« Tétraglotte » (1431). Livre imprimé en quatre langues (chinois, sanskrit, tibétain, mongol) © MNAAG, Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image musée Guimet

Ce livre est à butiner avec gourmandise pour tous les amoureux des langues et des gens qui les parlent, sans être des spécialistes de linguistique pour autant. Est laissée de côté la question de l’origine des langues, impossible à traiter. En revanche, sont exposés de façon simple et éclairante les débats qui opposent les scientifiques sur les familles de langues. Et l’un des nombreux tableaux de l’ouvrage récapitule toutes celles que l’on peut répertorier en 2015.

On apprend par exemple que la famille la plus diversifiée est la nigéro-congolaise qui comprend 1 524 langues et 450 millions de locuteurs en Afrique, suivie par la famille austronésienne qui comprend 1 222 langues et 325 millions de locuteurs en Asie du Sud-Est insulaire et en Océanie. L’histoire de la classification des langues va de pair avec celle de la notion de race entre 1850 et 1950. Celle-ci affecte la conception de l’indo-européen mais aussi la classification des langues du nord et du nord-est de l’Afrique. Sont mis en avant le travail acharné et le courage académique de nombreux linguistes qui font avancer les connaissances en osant mettre en cause l’idéologie et la doxa régnantes.

Jean Sellier, Une histoire des langues et des peuples qui les parlent

Les résultats les plus récents des recherches en génétique des populations, principalement fondées sur l’analyse de l’ADN, sont utilisés par les linguistes. Ainsi a-t-on abouti à la conclusion que « les Malgaches descendaient d’un petit groupe (dont une trentaine de femmes) débarqué au VIIIème siècle, accidentellement, semble-t-il. Quant à l’origine géographique de ce groupe, c’est la linguistique qui en témoigne : le malgache s’apparente aux langues barito, aujourd’hui parlées dans le sud-est de Bornéo. » En revanche, rien de nouveau ou de concluant sur l’origine du basque.

Il est expliqué que la datation des premières écritures dépend de ce que l’on entend par écriture : mots ou phrases. De même, si l’on peut s’accorder sur le fait que l’alphabet est apparu au sein de populations de langues sémitiques du Nord-Ouest, au IIe millénaire avant notre ère, cela ne dispense pas de s’interroger sur l’absence de notation des voyelles.

Le coréen et le japonais sont-ils parents ? Pourquoi les écoliers finlandais ont-ils moins de problèmes d’orthographe lexicale que ceux d’autres pays européens ? Avez-vous entendu parler des championnats de bertsolarisme qui ont lieu tous les quatre ans dans le Pays basque espagnol ? Les langues à tons, présentes non seulement en Asie mais aussi en Afrique et au Mexique, sont-elles plus anciennes que les autres ? Quelle est la différence entre l’hindi et l’ourdou ? En quelle langue s’exprimait publiquement Evo Morales, premier président « indigène » de Bolivie ? Que saisissent les Chinois sur le clavier de leur ordinateur ? En piochant, au hasard ou avec détermination dans cet ouvrage, le lecteur pourra trouver des réponses à ses questions mais aussi trouver matière à en formuler de nouvelles.

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