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Journal de la littérature, des idées et des arts 10/01 – 23/01 2024

En attendant Nadeau

Il ne faut rien dire de Marielle Hubert
Une femme à la fenêtre © Jean-Luc Bertini

Une histoire qui tienne enfin debout

Il ne faut rien dire, le deuxième récit de Marielle Hubert est l’un des plus forts de la rentrée littéraire hivernale. On y découvre une voix, une manière de considérer la mémoire, la filiation, les violences et les fantômes qui nous hantent. Un texte d’une lucidité implacable dont l’audace narrative impressionne. 

Éditorial

Une grande, une vraie joie

La littérature vaut, les livres valent, parce qu’ils font basculer quelque chose du monde. Ou, au moins, de la manière de le dire, de le raconter. Oui, de raconter ses troubles, ses violences, ses mémoires, ses fantômes. Des histoires, des langues, qui nous touchent car on s’y déshabitue de soi-même, des évidences, des formes et des discours tout faits. Il y a une joie inquiète à s’y frotter, à les laisser agir dans nos vies et dans nos cerveaux, à accepter ces étrangers merveilleux.

Sommaire

Mieke Bal
Concepts itinérants. Comment se déplacer dans les sciences humaines
par Paul Bernard-Nouraud
Kelly Rivière
An Irish Story. Une histoire irlandaise
par Monique Le Roux
Out of The Woods, L’Utopie Maintenant ! Perspectives communistes face au désastre écologique Zapatiste Chiapas
Phosphate chargé dans un paquebot (ile de Nauru) © CC BY-SA 3.0/Clive Cooper /WikiCommons

Les espoirs du désastre

Lire le livre porté par le collectif Out of the Woods, comme ceux du sous-commandant Marcos ou de Georges Lapierre, nous obligent à considérer avec lucidité la catastrophe devant nous et à penser des moyens collectifs pour éviter le désastre
Federico Falco Les plaines
Paysage de la pampa (Argentine) © CC BY 3.0/Cesar De Alba /WikiCommons

Écrire comme on crée un jardin   

Tout réapprendre – à vivre, à écrire –, tel est le nécessaire défi que le héros et narrateur des Plaines, livre du romancier argentin Federico Falco, se donne et relève au fil de neuf longs mois pendant lesquels il prend le temps de traverser le deuil d’une histoire d’amour en cultivant un potager aux abords d’un village perdu.
 Noir et blanc : une esthétique de la photographie BnF
Lys negatif 2022 © Anne-Lise Broyer

Un grand soulèvement de matière

La juxtaposition des deux expositions que la BnF consacre en ce moment à la photographie a l’intérêt de nous faire embrasser deux âges esthétiques sans doute moins contradictoires qu’il ne semble : il s’agit, dans l’une et l’autre, de faire apparaître un travail sur la matière.
Emmanuelle Tornero Une femme entre dans le champs
Poussette fantôme © CC BY 2.0/Simone Ramella/Flickr

À un enfant, le royaume

Le premier roman d’Emmanuelle Tornero, Une femme entre dans le champ, envisage la maternité autrement, nous entraînant dans l’errance d’une mère partie à pied sur les routes avec son enfant. Il étonne à la fois par un sens très ouvert de la composition, la vision et les idées qu’il propose et, surtout, par la très grande beauté de son écriture.

Phœbe Hadjimarkos Clarke, Aliène.
La bête © Jean-Luc Bertini

Demain les bêtes ?

Entre comique et drame, Aliène, deuxième roman de Phœbe Hadjimarkos Clarke, situe nos incertitudes contemporaines entre le comique et le drame. Dans ce roman faussement campagnard, on trouve une chienne clonée et des extraterrestres pourchassant des chasseurs… et la réussite de la fiction sociale

Les structures fondamentales des sociétés humaines Bernard Lahire
La foule © Jean-Luc Bertini

Fonder l’unité des sciences sociales

Avec Les structures fondamentales des sociétés humaines, il s’agit tout simplement pour Bernard Lahire de tenir compte des enseignements de l’histoire des sciences pour renouveler la sociologie. Son livre magistral, qui suscitera des controverses, constitue une étape décisive dans la compréhension de ce que nous sommes.
La marche de Radetzky Joseph Roth
Palais de Schönbrunn (Vienne, Autriche) © CC BY-NC 2.0/Hans Permana/Flickr

Joseph Roth, l’éternel crépuscule

Sous le titre d’ensemble La marche de Radetzky, un volume rassemble les nouvelles traductions de sept romans de Joseph Roth. L’occasion de redécouvrir des livres qui, à l’instar de ceux de Robert Musil ou de Stefan Zweig, n’en finissent pas d’explorer le naufrage de l’empire austro-hongrois. Mais aussi de s’interroger sur son chef-d’œuvre dont les qualités littéraires réclamaient une retraduction fluide et énergique.
Sophie Divry, Fantastique histoire d’amour
« Cristal bleu, Musée Swarovski » © CC BY 2.0/Shadowgate/Flickr

À la poursuite du cristal bleu

Dans Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry propose un épais roman qui mêle les codes de plusieurs genres. Elle tente aussi de marier le réalisme et le fantastique, un choix formel qui apporte une touche étrange, comme distanciée, à ce texte par ailleurs empreint de poésie.

Fantôme en scène

An Irish Story, le spectacle seule en scène qu’écrit et interprète Kelly Rivière, constitue une performance à tout point de vues. Un fascinant jeu de miroirs sublimé par une interprétation virtuose qui révèle les fantômes d’une vie et explore une existence portée par le théâtre. 

Dans l’ère Facebook

Polyvalente, la romancière Zadie Smith ne limite pas ses intérêts, ils sont d’une hétérogénéité piquante. Son deuxième recueil d’essais dits « à vocation libre » fait des expressions médiatiques de la société contemporaine le point de départ d’une analyse en profondeur de notre époque.

Carnets de Bal

Malgré sa variété et son évidente importance, l’œuvre prolifique de Mieke Bal ne connait pas en France le succès qu’elle mérite. Enfin traduits en français, ses Concepts itinérants proposent une manière très stimulante d’envisager les analyses culturelles et leur impact majeur.
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Les derniers articles de notre numéro 188

Clara Royer, Imre Kertész
Imre Kertesz © Jean-Luc Bertini

Imre Kertész : « Vivre et écrire le même roman »

Imre Kertész n’a pas remis en forme le cinquième volume de son Journal avant de mourir, en 2016. Pourtant, ses notes quotidiennes constituent un vrai livre. L’écrivain hongrois, prix Nobel 2002, fait toujours preuve de la même férocité à l’égard de lui-même que dans les autres volumes, mais aussi de la société post-communiste et de ce qu’il appelle « l’époque fasciste ».

Sándor Márai Journal. Les années d’exil (1968-1989)
Statue de Sándor Márai © CC-BY-SA-3.0/Jan Starec/WikiCommons

Sándor Márai, la vie qui résiste

Lire le dernier tome du Journal de Sándor Márai revient à compagnonner avec l’un des grands écrivains hongrois du siècle dernier. On y découvre ses années d’exil entre Salerne et San Diego, sa vision du monde, ses idées, son travail et ses lectures fondamentales. On éprouve avec lui ses deuils, ses doutes, sa croyance en la force de la littérature et son enthousiasme pour la vie.

Robert Delaunay, "Rythme", 1934Francis Perreau
Robert Delaunay, « Rythme », 1934 © CC0 1.0/Wikipedia

Comment devons-nous être ?

Dans Sphères d’injustice Bruno Perreau ambitionne une nouvelle théorie de la justice fondée sur la résonance des expériences minoritaires. Servi par une culture impressionnante, le philosophe propose une théorisation consistante, et intellectuellement séduisante, de nature à infléchir durablement les débats à venir sur la justice sociale.

Álvaro Lapa, "Sans titre" Adorno
Álvaro Lapa, « Sans titre » © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr

Adorno et la morale de Kant

La publication en français des cours que dispensa Adorno, vingt ans durant, à l’université de Francfort se poursuit. Cette année, paraît la transcription de ses Problèmes de la philosophie morale, ouvrage dans lequel Adorno se réfère essentiellement à Kant.

Italo Calvino ou « le défi aux labyrinthes »

Alors que l’écrivain aurait eu 100 ans, son œuvre suscite une effervescence éditoriale remarquable. Une partie de sa correspondance paraît sous le beau titre du Métier d’écrire. En même temps, nous découvrons Les jeunes du Pô, un roman inédit, et des textes consacrés à la Ligurie. Exit le coup éditorial, ces livres éclairent vraiment une œuvre très variée et interrogent la manière dont nous pouvons la lire aujourd’hui.
Liguries Italo Calvino
Bussana en Ligurie (Italie) © Jean-Luc Bertini

Calvino inédit

Alors que l’on découvre un roman de jeunesse inédit d’Italo Calvino, un ensemble de textes rassemblés par Martin Rueff éclaire le lien fondamental de l’écrivain avec la Ligurie. Une manière passionnante de mettre l’œuvre en perspective et d’en redécouvrir la complexité et l’épaisseur.

Italo Calvino à bicyclette à Versilia en janvier 1970 Le Métier d'écrire
Italo Calvino à bicyclette à Versilia en janvier 1970 © CC0 1.0/ Wikipedia

La grande calvinerie

La correspondance d’Italo Calvino dessine la cartographie d’une personnalité, d’une œuvre et d’une époque. En s’y plongeant, on découvre son rapport vital à l’écriture, ses engagements, sa bibliothèque intérieure. Une lecture foisonnante qui vaut vraiment pour aujourd’hui.

Le refus glorieux de toute pureté

Entrelaçant allègrement les genres et les formes pour tracer des voies très personnelles, Léo Henry, Ray Nayler et Thomas Ligotti imposent de véritables univers et des écritures originales. Leurs livres démontrent, si besoin était, que l’imaginaire n’a rien à envier à la littérature blanche en termes de qualité et de puissance.

Tolkien, double fond

Humphrey Carpenter, seul biographe « autorisé » de J. R. R. Tolkien, sait s’effacer devant l’extraordinaire tohu-bohu de l’invention souveraine, délirante, d’une saga inouïe, par un petit monsieur « ordinaire » pour qui « l’imagination est tout ».

La rivière mutilée

Le capitalisme au village, de la politiste Doris Buu-Sao, analyse des combats environnementaux menés en Amérique du Sud. Il défait surtout notre imaginaire idéalisé des luttes indigènes ouvertes contre le capitalisme international. Il fait apparaître une autre réalité, plus lente, plus fastidieuse, plus quotidienne.
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