Photographier le blanc : la mémoire selon Thierry Girard

Hors série Blanc En attendant NadeauThierry Girard est photographe depuis le milieu des années 1970. En 1993, il présente au musée Arthur Rimbaud l’exposition Mémoire blanche, dont sera tiré un livre du même nom. Les photographies exposées ont depuis été acquises par le musée et sont présentées à tour de rôle dans l’exposition permanente consacrée à Arthur Rimbaud.

Invité, il y a tout juste trente ans en 1991, à travailler sur le territoire de Rimbaud, j’ai réalisé quatre séries photographiques qui architecturent ce projet, Mémoire blanche. Je me suis défendu d’être dans un esprit d’illustration ou de citation (un poème ou quelques vers contre une image), et j’ai plutôt recherché un modus operandi qui m’amène à recouper mon propre territoire avec celui du poète. Faire du territoire una cosa mentale e poetica, la mienne et celle d’Arthur.

À vrai dire, on ne peut pas créer, inventer, si le corps et l’esprit sont trop chargés des auteurs qui nous importent. L’écrivain devant sa page blanche doit se débarrasser des maitres encombrants. Il faut savoir en être imprégné tout en ayant en quelque sorte la mémoire oublieuse. Alors seulement, on peut vivre, ressentir presque naturellement Arthur ; errer avec lui dans Charleville, autour de Roche, le long de la Meuse ou de la Semoy ; et ce qui advient, l’étrangeté de ce qui s’offre au regard, remplit le blanc de la mémoire de perceptions, d’épiphanies, de coïncidences, d’extravagances qui sont autant de petits signes envoyés par le frère Voyant.

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