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Journal de la littérature, des idées et des arts 23/08 – 05/09 2023

En attendant Nadeau

Forêt par Hugo Pradelle pour Le vieil incendie de Shua Dusapin
Forêt I © Hugo Pradelle

La parole fantomatique

Le vieil incendie d’Élisa Shua Dusapin donne un souffle puissant à une œuvre qui se dessine avec une sûreté remarquable. On y retrouve les mêmes questions, le même trouble, la même beauté de la langue, mais comme accentués. Une expérience puissante et troublante qui détonne dans le paysage de la littérature d’aujourd’hui.

Éditorial

Retours de rentrée

Avec ses nouveaux livres, ses débats et son étonnante régularité, la rentrée littéraire revient. S’il y a une saison pour la littérature, c’est bien celle-là. En quittant horloges et calendriers pour se placer dans un temps circulaire plus proche de notre vie intérieure, Pascal Quignard fait du nouveau tome de son Dernier royaume le lieu du recommencement. C’est avec ces très belles Heures heureuses que s’ouvre la rentrée d’EaN, mais aussi avec le western amoureux de Maria Pourchet, dont le personnage choisit plutôt la fuite en avant.

Sommaire

Pascal Quignard
Les heures heureuses
par Marie Etienne
Maria Pourchet
Western
par Oriane Delacroix
Les voyageurs du doute de Vandamme
Pierre-François Bernier, par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1800) © CC0/Wikimedia

Des sceptiques peu casaniers

Dans Les voyageurs du doute, Stéphane Van Damme décrit un courant de libertins érudits et sceptiques critiques de la globalisation française au dix-septième et au dix-huitième siècle. Mais sa conception du scepticisme est si large et si floue qu’on peut se demander si l’on a vraiment affaire à des « savoirs sceptiques ».
Protestation 2020 Biélorussie pour Ronan Hervouet | La révolution suspendue. Les Bélarusses contre l’État autoritaire
Protestation contre Loukachenko, 23 Août 2020. Minsk, Biélorussie © CC BY-SA 3.0/Wikimedia Commons/ Homoatrox

Contestation et répression bélarusses

Spécialiste du Bélarus, le sociologue Ronan Hervouet revient dans La révolution suspendue sur l’émergence puis l’écrasement du mouvement de contestation qui a suivi la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko à la présidence du pays le 9 août 2020.
Portrait de Jean Hatzfeld , "Tu la retrouveras"
Jean Hatzfeld © Francesca Mantovani / Gallimard

Le mal et l’animal

Dans son nouveau roman, Jean Hatzfeld poursuit son questionnement sur l’homme et sa soif d’anéantissement. Il est question dans Tu la retrouveras de la fin du siège de Budapest en 1944, prise en tenaille entre la domination nazie et les opérations d’encerclement de l’Armée rouge. Au milieu de cette pluie d’obus et de massacres, un zoo à l’abandon réenchante l’existence de deux fillettes qui y trouvent refuge et consolation, Sheindel la Juive et Izeta la Tzigane.
"Le Château des Rentiers", de Agnès Desarthe (Détail) © Editions de l'Olivier
« Le Château des Rentiers », de Agnès Desarthe (Détail) © Editions de l’Olivier

Un plan dans la poche

Dans Le Château des Rentiers, Agnès Desarthe évoque ses grands-parents maternels, passés de la Bessarabie au treizième arrondissement de Paris. Au-delà du récit mémoriel, elle raconte la constitution d’un improbable phalanstère.

Couverture de "De l'inconvéniant d'être russe", de Diana Filippova (Détail) © Albin Michel
« De l’inconvéniant d’être russe », de Diana Filippova (Détail) © Albin Michel

Derrière toi Moscou

Née à Moscou en 1986, Diana Filippova est arrivée en France à huit ans. Dans De l’inconvénient d’être russe, elle revient sur ses origines familiales puis se détache de l’autobiographie pour réfléchir à l’histoire russe récente et à ce que pourrait être la russéité.
Hernan Diaz, pour "Trust"
Hernan Diaz © Jean-Luc Bertini

Dans le nid d’un Pulitzer : entretien avec Hernán Diaz

Trust, de Hernán Diaz, a reçu le prix Pulitzer 2023. C’est le deuxième succès pour l’auteur, dont le premier roman, Au loin (traduit par Christine Barbaste, La Croisée, 2018), fut finaliste pour la même récompense. Né en Argentine et éditeur du journal Revista Hispanica Moderna. EaN a pu s’entretenir avec lui lors de son passage à Paris pour discuter de sa vision de la littérature américaine, de sa dette envers Borges et de son amour de la langue anglaise.

Propagande Nazie dans la France occupée pour "La propagandiste", de Cécile Desprairies (Détail) © Seuil
Soldat allemand d’une compagnie de propagande réalisant des banderoles de propagande en français © CC BY-SA 3.0/Wikimedia Commons/ Bundesarchiv

Survivre à la collaboration

Avec La propagandiste, premier roman de l’historienne Cécile Desprairies, le lecteur entre dans un univers étrange mais terriblement réel : celui d’une famille de collaborateurs qui, jusqu’au début du XXIe siècle, restera figée dans un temps impossible à dépasser.

Couverture de "Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie", Elise Goldberg © Verdier
« Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie », Elise Goldberg (Détail) © Verdier

Une « gefilte fille »

Dans le premier roman d’Élise Goldberg, Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie, la narratrice décrit un monde qui n’existe plus, même s’il se trouve toujours des jeunes pour apprendre le yiddish et des traiteurs à la mode pour cuisiner comme les grands-mères.
Illustration banlieue pou "Le grand secours", de Thomas B. Reverdy © Flammarion
« PRU3 », Bondy © CC BY 2.0/Petit Louis/Flickr

Le grand incendie de Bondy

Centré sur un lycée très proche de celui, réel, de Bondy, Le grand secours de Thomas B. Reverdy aborde des questions urgentes. Mais il s’en empare  de manière profondément romanesque, grâce à un rythme intense qui transmet l’urgence et l’énergie propres aux banlieues, usant de la variété des points de vue pour dessiner une image bouillonnante et précise de situations complexes.

Photo de Manuel Quintín Lame
Manuel Quitin Lame © Droits réservés

La quête de justice de Manuel Quintín Lame

Les pensées de l’Indien qui s’est éduqué dans les forêts colombiennes retrace la quête de justice de son auteur, Manuel Quintín Lame, qui, devant les tribunaux, dans les prisons, a cherché le combat, l’écriture, l’organisation collective, la philosophie et sa dérision, un cheminement singulier pour agir justement.
"Le troisième sexe : les homosexuels de Berlin", de Magnus Hirschfeld
« Le troisième sexe : les homosexuels de Berlin », de Magnus Hirschfeld (détail) © Association GKC, Gai-Kitsch-Camp

Berlin, fin de siècle : naissance de la sexologie

Un ouvrage monumental vient d’être consacré à l’Institut de sexologie de Berlin. C’est l’occasion d’évoquer également, outre le cas d’une patiente de l’Institut, la première biographie dédiée à son fondateur, Magnus Hirschfeld, médecin qui s’est battu pour la dépénalisation de l’homosexualité

Un clochard céleste sous les Tang

Paul Jacob nous offre une anthologie des poèmes de Li Bai, un auteur chinois du VIIIe siècle de notre ère, qui a longuement travaillé sur lui-même, dans l’esprit taoïste, ainsi que sur la langue pour la rendre aussi limpide et transparente que l’eau.

L’amour au temps du numérique 

Alan Pauls, qui n’en est pas à son premier ouvrage sur les aléas de l’amour, propose avec La moitié fantôme un roman philosophique à l’humour pince-sans-rire, qui interroge l’humain au temps du numérique et examine la souveraineté que peut nous laisser l’exigence contemporaine d’immédiateté.

La solitude sied au poète

Grimoire des foudres, vingt-neuvième recueil poétique de l’écrivaine Tristan Felix, est l’un des sommets de toute son œuvre. Fruit d’une divagation de six mois, ce texte a dû être souvent interrompu par les événements du monde mais ils ont été impuissants à faire taire le murmure de cette écriture qui file comme un ruisseau.
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Portrait de Dea Liane, chez elle (14/04/2023) © Patrice Normand
Dea Liane © Patrice Normand

Une vie infiniment obscure

Georgette est le premier roman de Dea Liane. Le personnage principal en est une servante au grand cœur, une jeune fille ne sachant ni lire ni écrire, qui donne le biberon, coiffe, habille, joue, accompagne, console.
Illustration pour Western de Maria Pourchet
Sans titre © CC BY 2.0/Caleb Roenigk/Flickr

L’amour à l’ouest

Figure de la sociologie du XXsiècle, Howard Becker est mort le 16 août dernier à San Francisco, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Le sociologue Jean-François Laé rend hommage à son sens de l’observation ethnographique, développé dès l’enfance.

Portrait de Pierre Alferi
Pierre Alferi ©Anne-Lise Broyer/P.O.L

Pierre Alferi, l’affranchi

Tiphaine Samoyault rend hommage à Pierre Alferi, disparu en août 2023, un auteur qui, selon elle, n’a cessé de prouver qu’il y a toujours de l’espace pour qui sait s’affranchir des assignations et qui a toujours refusé ce qui aurait l’apparence d’une certitude ou d’un contrôle.
"Des indésirables. Ouatre manières de traiter un embarras", de Jean-Michel Rey
Centre de rétention administrative du Canet à Marseille © Benoît Guillaume/Wikimedia

Tentatives d’effacement

Le nouveau livre de Jean-Michel Rey, Des indésirables. Quatre manières de traiter un embarras, est une réflexion sur diverses tentatives d’effacement – des Juifs, des protestants, des enfants – dont certaines ont pu mener à la pure et simple extermination.
Pascal Quignard, Dans ce jardin qu’on aimait
Pascal Quignard © Jean-Luc Bertini

Les grands espaces d’un solitaire 

Pascal Quignard fait paraître Les heures heureuses, douzième volume du Dernier Royaume, dans lequel on est saisi par le mélange des temps, des paysages, des séquences narratives, des personnages.
Illustration pour "Les naufragés du Wager", de David Grann
« Le Naufrage », Joseph Vernet (1772) © CC0/National Gallery of Art

Avis de tempête littéraire

Les naufragés du Wager, de David Grann, se présente comme un magnifique roman d’aventures dont l’intrigue, fascinante à bien des égards, est menée tambour battant. Il se double d’une réflexion très contemporaine sur l’essence et le rôle des récits dans nos sociétés.
Portrait de Lidia Jorge "Misericordia",
Lídia Jorge © Jean-Luc Bertini

Être vivant jusqu’à la mort

Avec son récit intitulé Misericordia, Lídia Jorge rappelle avec force et poésie que les plus anciens d’entre nous ont une vie bien à eux, qui n’a pas moins d’intérêt ou de richesse que la vie de n’importe qui d’autre, et que leur présent n’est pas moins important que leur passé.
"Tumeur ou tutu", de Léna Ghar © Gallimard
« Celestica » © CC BY 2.0/Jack/Flickr

Et la parole s’est faite nombre

Tumeur ou tutu, de Léna Ghar, est un premier roman magistral. Récit de violence, d’amour et de chair, il exprime, en recourant notamment à de nombreux néologismes, une vision du monde marquée par une attention aiguë aux sensations du corps.

Portrait de NoViolet Bulawayo pour Glory
NoViolet Bulawayo © Autrement

Incantation pour la souveraineté du peuple

Dans Glory, l’écrivaine zimbabwéenne NoViolet Bulawayo raconte l’histoire d’un pays fictif peuplé d’animaux, le Jidada. Elle signe un récit où l’humour le dispute à l’horreur, et qui résonne avec les questions d’hier et d’aujourd’hui.
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