Bandes de revues

Il y a toutes sortes d’exposants au Salon de la revue – de tous les horizons et de toutes les formes, des gros et des petits. Il y en a des bien singuliers qui rassemblent de nombreux titres. Nous avons voulu demander leur sentiment à ceux qui rassemblent des collectifs ou des institutions : le Centre international poésie Marseille, les Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme et les Presses universitaires de Rennes qui fêtent leurs quarante ans.

| Cipm – Centre international poésie Marseille.

C’est peu dire que le Cipm présente de nombreuses revues… Pour cette édition, c’est un record. Quelle diversité ! Comment rassemblez-vous tous ces titres ? 

Au même titre que les maisons d’édition, les revues nous donnent à voir le champ poétique actuel. Nous avons besoin de les connaître et de les lire pour bâtir notre programmation et nos actions. Nous les suivons grâce à la politique d’acquisition de la bibliothèque du Cipm – qu’il s’agisse d’abonnements, ou d’achats au numéro pour des revues qui démarrent, ou de collections incomplètes. Il est fréquent d’ailleurs que la bibliothèque soit directement contactée pour un rendez-vous de présentation d’une revue, d’un dossier, d’un numéro spécial. Depuis quelques années, nous proposons aux revues de poésie de la région Sud d’être présentes sur un stand collectif au Salon de la revue et nous prenons en charge tous les frais, sans aucune commission sur les ventes.  C’est une façon simple et directe d’aider à la diffusion de revues qui ne peuvent pas venir par leurs propres moyens. 

Une profusion qui témoigne de l’énergie d’un territoire, de la force d’un lieu, d’une organisation. 

Oui, sans oublier les librairies, les lieux culturels associatifs, les bibliothèques… Mais les revues et les structures de micro-édition en sont les composantes les plus vivantes, les plus légères, les plus hétéroclites ; les plus fragiles aussi. Elles sont un lieu où apparaissent de nouveaux auteurs, de nouvelles autrices, de nouvelles formes d’écriture, un nouveau lectorat, de nouvelles façons de publier et de diffuser. Nous avons tout intérêt à travailler avec elles, et devons les soutenir dans des formes de valorisation et de coopération à réinventer en permanence. 

Comment travaillez-vous ensemble ? Comment soutenez-vous ces projets si variés ? 

Les acquisitions de la bibliothèque et les invitations dans le cadre de la programmation annuelle sont les réponses les plus directes. Dans ce dernier cas, une revue est invitée avec un choix d’auteurs ou d’autrices pour une rencontre et des lectures. Mais il y a d’autres façons de travailler avec elles. Accueillir des recherches ou un comité de rédaction, par exemple. Coproduire ou susciter un numéro spécial : ça a été le cas avec La tête et les cornes, qui a publié les résultats d’un atelier de traduction « Import/Export » entre poètes français et italiens en 2019. Plus récemment, en 2023, avec Nioques, autour de la poésie grecque ou cette année avec Fassl, autour de la poésie algérienne. Enfin, nous préparons une grande exposition autour de la revue Doc(k)s pour la rentrée 2026.

Ent’revues est venue à Marseille pour Numéro R, vous venez au Salon à Paris… Comment ces événements se rencontrent-ils ? 

Le Cipm a mis en place le salon Numéro R – R pour revue et région – en 2019. C’est un espace d’invitation consacré aux revues, de la région et d’ailleurs, et aussi un moment de coopération avec elles. Le modèle est unique : non seulement il n’y a pas de frais d’inscription, mais nous participons à leurs dépenses de voyage et d’hébergement. Nous demandons à chacune d’elles de nous proposer une lecture et nous rémunérons la personne qui intervient. Numéro R est devenu biennal. Sa dernière édition, en mai 2025, a invité 40 revues et près de 30 auteurs et autrices. Nous réfléchissons à comment faire grandir ce rendez-vous et à mieux le financer. Parallèlement, nous proposons aux revues de la région d’être présentes gracieusement, sur un stand à la fois Cipm et « Région Sud », à Paris, au Marché de la poésie en juin et au Salon de la revue en octobre. Le Marché et Ent’revues sont partenaires de Numéro R depuis sa création, et nous échangeons beaucoup autour de nos projets. À suivre, donc…  

le Centre international poésie Marseille, les Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme et les Presses Universitaires de Rennes qui fêtent leurs quarante ans. CIPM
Sphère armillaire (1659) © CC0/WikiCommons
| Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.

Les revues occupent une place singulière dans l’édition savante et institutionnelle. Comment les pensez-vous aujourd’hui ? 

Les revues restituent, nourrissent et rythment la recherche universitaire, complètent le segment des livres ou résistent à sa standardisation. Plus qu’une étape obligée, elles constituent pour les chercheurs un espace nécessaire : celui de l’innovation. Lieux d’exigence et d’ouverture, elles répondent aux interrogations de nos sociétés, de plus en plus dépendantes des techniques, et elles visent à surmonter la sur-spécialisation dans la recherche scientifique contemporaine.

Comment faire coexister des revues très différentes, comment en parler, comment les diffuser ? 

Elles peuvent exister, voire coexister, si elles s’inscrivent à la fois dans une vision éditoriale à long terme, dans les sillons de leur époque et dans leur propre transversalité. Par exemple, prolonger le débat lancé dans les différents numéros des revues par l’organisation d’événements et de débats et y faire dialoguer plusieurs revues ayant traité la même thématique de divers points de vue, comme le fait la FMSH. Ou bien, à l’instar de la revue Polygraphe(s), proposer des compléments photographiques et sonores liés aux articles. Par ailleurs, FMSH Diffusion-Distribution, qui commercialise un catalogue de plus de 30 000 références proposées par des presses d’universités, des éditeurs institutionnels ou privés spécialisés dans les sciences humaines, assure chaque année la promotion et la gestion des abonnements de nombreuses revues.

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Les éditions sont-elles des lieux d’accueil des revues ou bien participent-elles à leur élaboration ? 

En étroite collaboration avec les comités de rédaction, les éditions prennent en charge intégralement ou en partie l’édition, la publication, l’hébergement et la diffusion des revues, avec des ressources humaines et financières internes ou externes. Par ailleurs, elles s’appuient souvent sur leurs solides bases disciplinaires : les sciences sociales avec Socio, Violence, Information sur les Sciences Sociales, l’étude du langage avec Langage et Société, le patrimoine archéologique avec Les Nouvelles de l’Archéologie, la communication figurée avec Polygraphe(s) ou celle de la technologie et du pouvoir avec Quaderni.

Les revues font partie d’un écosystème éditorial complexe. Comment voyez-vous leur développement, leur diffusion et leur financement dans les temps qui viennent ?

Les maisons d’édition spécialisées dans les sciences humaines et sociales multiplient les collectifs pour faire événement et pour recruter de nouveaux auteurs. Les magazines ou les journaux en ligne se multiplient, la presse renouvelle son offre. Notre époque est celle de la lecture fragmentée. Autant de dénominateurs communs avec les revues dont l’offre est raisonnée et raisonnable mais dont les financements apparaissent fragiles. Le fait est que le nombre réel de lecteurs susceptibles d’être intéressés ne cesse de diminuer. Le désintérêt serait propre aux sciences humaines et sociales et non pas tellement ou uniquement à leur écosystème éditorial. C’est dans ce contexte difficile que les missions de la Fondation prennent tout leur sens : développer les recherches interdisciplinaires, encourager le dialogue international, renforcer la coopération, rapprocher la science et la société, faciliter la circulation des connaissances en privilégiant l’ouverture et le partage des données de la recherche. Quant aux éditions, elles publient une dizaine de revues exemplaires, écho des débats et des préoccupations de notre temps. Certaines de ces revues proposent des tarifs d’abonnement préférentiel pour les étudiants et sont disponibles sur la plateforme OpenEdition.

« Entretiens sur la pluralité des mondes », Bernard Le Bovier de Fontenelle (1686) (détail) © CC0/WikiCommons
| Presses universitaires de Rennes.

Les Presses universitaires de Rennes publient beaucoup de revues, avec une sacrée volonté. Comment porter et faire coexister des projets aussi divers que NoroisLes Cahiers Claude SimonOtranteParlement[s] ou Volume! ?

La vie d’une revue n’est pas un long fleuve tranquille ! Et aux PUR, treize revues, ce sont comme treize fleuves ! Ça déborde parfois, il y a des périodes de calme suivies de périodes plus intenses… Mais les publier fait partie de notre mission d’éditeur universitaire, une responsabilité fondée sur l’idée qu’au sein des revues s’élabore le savoir le plus actuel et le plus vivant. Ce savoir constituera plus tard la matière de nombreux ouvrages originaux. Et comme les PUR couvrent les sciences humaines, nous faisons coexister des revues dans des disciplines diverses, voire dans l’interdisciplinarité. Les PUR ne sont pas seules, elles sont solidaires des comités de revue qui font un travail essentiel. Ces comités, ce sont des chercheurs qui, en plus de leurs propres travaux d’enseignement et de recherche, soutiennent le travail de leurs collègues en organisant leur expertise, en accompagnant la finalisation de l’écriture, en garantissant la qualité de la recherche.

Quelle est votre stratégie éditoriale pour les revues dans un contexte compliqué ?

Le pragmatisme et l’accompagnement de chaque revue en fonction de son histoire et de son identité. La visée stratégique est la pérennité de chaque revue, ce qui veut dire des évolutions permanentes ! Les PUR font toujours un travail de diffusion des revues en version papier et, parallèlement, nous visons à augmenter toujours la qualité de la publication en ligne. Nous accompagnons les revues vers la science ouverte : transparence et sérieux des processus éditoriaux, insertion dans les standards et bien sûr libre accès aux articles. C’est important que le savoir soit accessible partout dans le monde et pour toute la société. Nous travaillons à cela avec nos plateformes partenaires, Cairn.info, OpenEdition Journals et Persée.

Il faut de l’énergie pour rassembler toutes ces équipes et venir au Salon de la revue pour la première fois !

Oui, les PUR mobilisent trois personnes pour ce salon, plus des membres des comités de chacune des revues. C’est l’occasion de mettre en valeur le travail quotidien mais peu connu du pôle revues aux PUR ainsi que celui des comités. Nous sommes heureux des 34 numéros présentés sur le stand, c’est la première fois que nos revues sont rassemblées ainsi.

Comment percevez-vous cette organisation collective ? Et comment chaque revue se situe dans ce cadre ? N’est-ce pas une occasion unique de rencontrer un public ?

C’est assez incroyable de créer un rassemblement de publications aussi différentes, dont on sait bien les modèles économiques souvent précaires et le bénévolat qui les fait vivre. Une sorte de fragilité relie entre elles toutes ces aventures. Mais il y a de ce fait au Salon de la revue un esprit de découverte et de curiosité, le public qui y vient a envie de découvrir la diversité des revues. Il y aussi un esprit de partage, les discussions sont enrichissantes. Nos treize revues ont été volontaires pour venir rencontrer à ce carrefour de l’édition un public sans doute différent de celui des bibliothèques universitaires. Passionné·es d’archéologie, de géographie, d’histoire, de politique, de littérature française ou anglophone, d’art fantastique ou de musiques populaires, vous avez le stand des PUR pour vous rencontrer !

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