177
Journal de la littérature, des idées et des arts 28/06 – 04/07 2023
En attendant Nadeau
Le soliloque disloqué de Jeroen Brouwers
Jeroen Brouwers est mort en 2022, si bien qu’il est tentant de lire Le client E. Busken comme un récit testamentaire ou autobiographique. Le livre est un fleuve, un long monologue intérieur émanant de la conscience d’un homme âgé, abîmé par l’alcool et la cigarette qui lui sont interdits depuis qu’il est enfermé dans l’unité sécurisé de la Maison Madeleine. Alors il enrage, observe, se souvient, délire, rit, se rebelle. Dans quelle mesure est-il le double de Jeroen Brouwers, Néerlandais né en 1940 à Batavia (Djakarta), personnage, polémiste, « grand écrivain », etc. ? À cette question nous ne répondrons pas vraiment, préférant insister sur d’autres aspects.
Éditorial
Prendre soin de la colère
Sommaire
Écrire une histoire qui tue
Najla Nakhlé-Cerruti
Henri Colomer
Quand la violence devient discours
On considère souvent qu’Álvaro de Campos est le plus « moderniste » et le plus « audacieux » des doubles de Fernando Pessoa. La nouvelle traduction de son célèbre poème final Ultimatum constitue l’occasion de se replonger dans une œuvre majeure de la poésie lusophone, d’en saisir la violence et d’en dépasser les lectures univoques.
Un universel à éprouver
Dans L’universel après l’universalisme. Des littératures francophones du contemporain, Markus Messling formule le constat d’une « implosion de l’universalisme » hérité des Lumières en analysant la tension entre les idéaux promus et le fait colonial auxquels ils ont été liés.
Un universel à éprouver
Dans L’universel après l’universalisme. Des littératures francophones du contemporain, Markus Messling formule le constat d’une « implosion de l’universalisme » hérité des Lumières en analysant la tension entre les idéaux promus et le fait colonial auxquels ils ont été liés.
L’Amérique, ça n’est pas rien !
Absolutely Nothing est la relation d’un voyage par la route à l’automne 2016 à travers les États-Unis, d’ouest en est, entrepris par Giorgio Vasta. Ce carnet de voyage décrit une expérience vécue intense, documentée par les photos de Fazel, que l’écrivain italien reconstitue sous la forme d’une succession non chronologique d’instantanés de lieux pour inventer une sorte d’anthropologie négative .
« Ne pas grandir » : entretien avec Michel Valensi
Avec Patricia Farazzi, Michel Valensi a fondé les Éditions de l’éclat en 1985. Depuis, quelques centaines de titres parus ont construit un catalogue parmi les plus mystérieux et intrigants, qui, de la poésie à la philosophie analytique, de témoignages militants à la mystique médiévale juive, semble prêt à tout interpeller. EaN a longuement interrogé Michel Valensi pour déplier cette histoire de livres, d’éditions et de marges.
Les voies de la violence
Deux romans de Claude Kayat et Horacio Castellanos Moya disent, à leur manière et en deux voix, l’une française et l’autre salvadorienne, les actuelles voies de la violence dans le monde. Et ils ont en commun de renvoyer, incidemment, à une ville du Nord apparemment à l’abri de cette plaie, Stockholm, en Suède, ce pays si séculairement pacifique qu’on y a fondé un « Institut international de recherche sur la paix »
Regarder voir
Que se passe-t-il devant le tableau, la photographie, l’œuvre d’art contemporaine ? Laurent Jenny revient inlassablement à cette interrogation que l’observation des œuvres renouvelle toujours. La folie du regard est une étape de ce parcours critique érudit. Comme dans ses précédents ouvrages, à travers des analyses se dessine un certain rapport aux images, celui d’un savant se méfiant du trop de savoir. On retrouve avec une vraie joie la voix de l’auteur : jamais péremptoire, et unique, comme seule l’est celle des écrivains.
L’écho intime d’une guerre
Le cas Nietzsche
Avec ce sixième tome de la Correspondance de Nietzsche, voici la fin de la traduction française de la monumentale édition de Colli et Montinari. Et aussi la fin du penseur lui-même. Après deux volumes, la traduction de ses centaines de lettres avait été suspendue durant une vingtaine d’années. Remercions notre ami Jean Lacoste de l’avoir menée à son terme. Grâce à lui est enfin couverte la petite quinzaine d’années durant lesquelles le porte-parole du cercle wagnérien devint Nietzsche.
Il y a encore des choses à dire sur Tintin
Les îles noires d’Hergé de Ludwig Schuurman a une qualité évidente : démontrer clairement que dans l’univers des tintinophiles de tous poils, il y a encore des choses à dire. Son travail passionnant sur les différentes versions de l’album où l’on découvre l’infâme Docteur Müller, le gorille Ranko et les habitants taiseux de Kiltoch, ouvre des pistes sur la genèse de l’œuvre du dessinateur, la manière dont on la lit et rappelle que la bande dessinée est un art comme les autres.
Et toujours à la Une du numéro 176
Spectres trans de Marx
Il y a trois ans, le psychanalyste Stéphane Habib adressait à Paul B. Preciado une lettre ouverte dans En attendant Nadeau, à la suite de la parution de Je suis un monstre qui vous parle. Rapport pour une académie de psychanalystes, et du débat intense que ce livre avait suscité. Il partage aujourd’hui sa lecture de son dernier essai, Dysphoria Mundi.
Entretien avec Maurice Mourier
Maurice Mourier vient de publier La femme bue par l’aube, deuxième tome d’une trilogie commencée avec Dans la maison qui recule en 2015. Il nous explique le projet de ce livre touffu, à la fois comique et angoissé, et partage sa conception du savoir et de la culture, son rapport aux textes, à la nature, aux esprits, à la nécessité de l’imagination. Une manière de parler d’un monde qui ne va pas bien et du désir d’essayer d’être un peu heureux.