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Journal de la littérature, des idées et des arts 22/10 – 04/11 2025

En attendant Nadeau

Caroline Darian | Et j’ai cessé de t’appeler Papa. Quand la soumission chimique frappe une famille, JC Lattès, 192 p., 20 € Cynthia Illouz | Procès de Mazan. La déflagration, L’Observatoire, 208 p., 20 € Mathilde Levesque | Procès Mazan. Une résistance à dire le viol, Payot & Rivages, 144 p., 8 € Caroline Darian | Pour que l’on se souvienne. Après le procès de Mazan, le combat pour toutes les victimes de soumission chimique, JC Lattès, 180 p., 19,90 € Manon Garcia | Vivre avec les hommes. Réflexions sur le procès Pelicot, Flammarion, coll. « Climats », 232 p., 21 € Claire Berest | La Chair des autres, Albin Michel, 213 p., 18,90 € Laurent Valdiguié | Fétiche45 : les autres vies de Dominique Pelicot, Seuil, 224 p., 19,50 € Élise Costa | Ecrire Mazan. Une affaire, mille façons de l’écrire, Marchialy, 300 p., 22 € Marion Dubreuil | Mazan, la traversée du Styx, Denoël, 217 p., 19,50 € Mathieu Palain et Louise Colcombet | Notre affaire. Une BD de combat et d’espoir, L’Iconoclaste, 336 p., 34 € Béatrice Zavarro | Défendre l’indéfendable. L’avocate de Dominique Pelicot raconte, avec D. Prieur, Mareuil éditions, 272 p., 21 € Valérie Manteau | Entre chiens et loups, coll. « Des nouvelles du réel », Stock, 236 p., 20 € Collectif | Mazan. Anthropologie d’un procès pour viols, Le Bruit du monde, 336 p., 22 € Clara Seren-Rosso | L’audience est suspendue. Un autre regard sur le procès des viols de Mazan
« Ecrire Mazan. Une affaire, mille façons de l’écrire », Élise Costa (Détail) © Marchialy

L’affaire Pelicot, le temps des livres

Le procès des viols de Mazan s’est clos le 19 décembre dernier. Déjà quatorze livres ont été consacrés à l’affaire. Cependant, la plupart, plutôt qu’analyser les faits, communient dans l’émotion et blâment le patriarcat.

Éditorial

Lecteurs lucides

L’attribution du Nobel de littérature à László Krasznahorkai nous réjouit grandement. Nous l’entendons comme un événement qui met la puissance de la littérature, de son expérience unique, au centre, semblant la détacher de la circonstance, pour en célébrer l’ampleur et la nécessité. C’est ainsi que l’entend Maurice Mourier, fin connaisseur de son œuvre, qui en apprécie le déploiement et nous fait ressentir l’emportement joyeux de la lecture de textes majeurs et ce que ce prix veut dire. Il faut avouer que sa lecture bouleverse, enchante, faisant tourner tout un monde rempli d’idées.

Sommaire

Anouar Benmalek
Irina, un opéra russe
par Faris Lounis
José Emilio Pacheco
Le sang de Méduse
par la rédaction d’EaN
Usrula K Le Guin
« Eclipse solaire », Howard Russell Butler (1925) © CC0/WikiCommons

En métamorphose continuelle

Céline Minard livre sa lecture d’Ursula K. Le Guin. Elle souligne que son œuvre est « un haut fait de littérature exploratoire », manifestant « une vision mouvante, délicate, éthique, politique et surtout poétique de la bonne façon d’aborder les mondes ».
Lavinia, Ursula K Le Guin
Portrait d’une femme (Iᵉ s.) (Détail) © CC BY-NC-SA 4.0/The Trustees of the British Museum

Topoï

luvan fait la critique, fulgurante, poétique, de Lavinia, ultime roman d’Ursula K. Le Guin, où la femme d’Énée a le premier rôle. Dans ce « récit de métamorphose et de confiance », « nous sommes les lieux => topoï. Où tout peut advenir. Où tout, déjà, est mille fois advenu ».
Ursula K. Le Guin, Searoad
« Vent d’Ouest », George Bellows (1913) © CC0/WikiCommons

Un pas de côté

Dans Searoad, Ursula K. Le Guin entrecroise des récits dans une veine réaliste qui peut surprendre, mais qui fait écho à ses autres livres tout en manifestant des facettes différentes de son talent.
Ursula K. Le Guin
Ursula K. Le Guin (1995) © CC BY-SA 2.0/Marian Wood Kolisch/WikiCommons

La musique des textes

Traductrice de Searoad, Hélène Collon explique comment elle est arrivée à ce livre, et que les traducteurs doivent avoir l’« oreille » capable de capter la tonalité propre à chaque texte.
Ursula Le Guin
Cartographie des astres appellée « Cheonsang Yeolcha Bunyajido » (Corée, 1395) (Détail) © CC0/WikiCommons

D’autres petites lunes

Elio Possoz, auteur des Mains vides, raconte combien sa lecture des Dépossédés de Le Guin a été libératrice, lui permettant de laisser le héros « dans le sac-à-patates où il doit être habituellement rangé ».
Usrula K Le Guin
« Mer de glace », Caspar David Friedrich (1823) © CC0/WikiCommons

« La Vérité est affaire d’imagination »

Pourquoi Ursula K. Le Guin inspire-t-elle autant d’écrivain(e)s ? Tentative de réponse à travers ses deux romans les plus célèbres, La main gauche de la nuit et Les dépossédés.

À quoi bon des poètes en temps de détresse ?

Pessimiste, désespéré, émaillé d’humour corrosif, le film Un poète du Colombien Simón Mesa fait la satire d’une société où la poésie semble inutile. On oubliera difficilement son personnage principal.

Grandes « petites » maisons

Un peu partout, de « petites » maisons d’édition ont l’audace de publier de la poésie. Leur rôle est décisif et nous aurons toujours à cœur de les soutenir. La chronique « À l’écoute » se penche sur certaines de leurs parutions.
Muriel Pic, Leçons de possession. Les archives de la drogue d’Henri Michaux
Retrospective de Yayoi Kusama (Tel Aviv Museum of Art, 2021) © CC BY 2.0/RG TLV/Flickr

Archives de la folie volontaire

Les archives d’Henri Michaux sont décidément d’une très grande richesse. Dans Leçons de possession, Muriel Pic montre comment l’expérience de la drogue répondait chez le poète à un besoin existentiel, celui de vivre la folie.
Raphaël Sigal, Géographie de l’oubli, Pavillons, Robert Laffont Charles Duquesnoy, Nuta. Immigré juif polonais, cordonnier à Paris (1900-1967),
« Le trait manquant », au musée Soulage (Détail) © CC-BY-2.0/madras91/WikiCommons

Le désir d’élucidation

Géographie de l’oubli de Raphaël Sigal et Nuta de Charles Duquesnoy traitent tous deux de la transmission familiale de la Shoah. L’écrivain et l’historien sont renvoyés au même déni dont ils conjurent, chacun à sa façon, la puissance d’effroi et de méconnaissance.
Ferdinand von Saar : La violoniste,
« Café Heinrichhof », Jung Moriz (1912) © CC0/The MET

Mourir d’aimer

La violoniste est une des premières nouvelles écrites par Ferdinand von Saar (1833-1906). Elle atteste que l’écrivain autrichien a trouvé d’emblée le style et les sujets qui firent de ce grand pessimiste un des meilleurs chroniqueurs de la monarchie austro-hongroise finissante.
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Les premiers prix littéraires sont décernés ces jours-ci. Natacha Appanah vient de recevoir le Prix Femina alors que Laurent Mauvignier est couronné par le Goncourt. Laura Vazquez obtient Prix Décembre et Yanick Lahens se voit distinguée par l’Académie française. Nous vous invitons à redécouvrir nos lectures de ces textes qui inventent des formes et des langues qui nous frappent.


La maison vide Laurent Mauvignier
Laurent Mauvignier @ Jean-Luc Bertini

Résistance de la littérature

Prix Goncourt – La maison vide de Laurent Mauvignier est un livre puissant. Lucide, réfléchi, complexe, il parvient à interroger la langue, le temps, le passé et la manière de raconter. Il affirme surtout le pouvoir du langage et la capacité incroyable de la fiction à résister.

ENTRETIEN
La maison vide, laurent mauvignier
Le clocher de l’église Saint Waast de La-Bassée © CC BY-SA 2.0/Pierre André Leclercq/Flickr

« Un cœur noir, secret » : entretien avec Laurent Mauvignier

Prix Goncourt – Alors que paraît La maison vide, nous vous invitons à lire des extraits d’un entretien que Laurent Mauvignier a accordé à la revue La Femelle du Requin en 2022. Une manière d’interroger une œuvre majeure et le travail d’un écrivain lucide.

Natacha Appanah, La nuit au coeur
« Les Rôdeurs », Jan Toorop (1891-1892) © CC0/WikiCommons

Le chemin éclairé

Prix Femina – Dans La nuit au cœur, Nathacha Appanah relie son expérience propre à celles d’autres femmes confrontées à la violence terrifiante de certains hommes. Ce livre bouleversant allie un véritable courage à l’inventivité formelle.

Laura Vazquez | Les Forces.
Laura Vasquez © Elise Blotière

Poétique de la force

Prix Décembre – Comme les ouvrages précédents de Laura Vazquez, Les forces porte le souffle et l’ambition narrative d’un livre-monde. Elle s’approprie le roman d’initiation pour interroger la possibilité d’une vie poétique aujourd’hui, et formule une critique puissante des modes d’existence actuels.

Yannick Lahens, Passagères de nuit
« Une femme au seuil de sa maison, dans le quartier français » (Nouvelle-Orléans, 1920- 1926) © CC0/Library of Congress

Traverser la nuit

Prix de l’Académie française – Passagères de nuit, de Yanick Lahens, tisse des liens entre des lieux, une mémoire et des figures féminines qui incarnent une insoumission radicale. Un livre fulgurant, plein de beautés, de souffrances et de magie.


Laure Teullières, Steve Hagimont, Jean-Michel Hupé, Greenbacklash. Qui veut la peau de l’écologie ?,
Fumée d’usine © Jean-Luc Bertini

Anti-écolos : les nouveaux marchands de doute

Quelle est la nature exacte de la contre-offensive réactionnaire qui s’en prend à l’écologie ? Telle est la question qu’examine un ouvrage collectif salutaire, Greenbacklash. Qui veut la peau de l’écologie ?.
Walter Scott Chroniques sylvestres
« Une clairière dans la forêt de Cadzow », Alexander Fraser (1862) © CC0/WikiCommons

De la bonne nature des arbres

Chroniques sylvestres, deux essais de Walter Scott traduits pour la première fois en français, révèlent une facette méconnue du grand romancier. Il était aussi un pionnier de l’économie rurale, un praticien convaincu de l’agrosylviculture.
Philip Roth Romans, 1993-2007 Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski, avec la collaboration de Nicolas Cavaillès, Aurélie Guillain et Paule Lévy. Bibliothèque de la Pléiade, 1664 p., 70 € jusqu’au 31/12/2025 Marc Weitzmann La part sauvage. Le monde de Philip Roth et le chaos américain : retour sur vingt ans d’amitié Grasset, 384 p., 24 € Ira Nadel Philip Roth: A la recherche de Marcel Proust
Portrait de Philip Roth par Bernard Gotfryd (vers 1967) © CC0/Library of Congress

Roth dans tous ses états

Philip Roth suscite toujours le débat. Si l’essai de Marc Weitzmann est principalement un exercice d’autopromotion, celui d’Ira Nadel met en lumière l’inspiration européenne de l’écrivain. Surtout, la Pléiade publie le troisième volet de l’œuvre de Roth, constitué de quatre romans hétérogènes.
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Hélène Frédérick, Lézardes,
Exemple de lézarde au milieu du texte © CC0/WikiCommons

La faille comme lieu privilégié

Lézardes, d’Hélène Frédérick, est un livre singulier, récit autobiographique autant qu’essai sur le métier de correcteur. Son écriture à la fois poétique et précise capte immédiatement l’intérêt.